mardi 22 décembre 2009

Sommet de Copenhague : ce que je ne comprends pas

Depuis la fermeture du sommet de Copenhague on n'entend que des pleurs et des lamentations, des cris de déception : le sommet tant attendu sur le climat, réunissant les représentants de 192 pays de la planète s'est terminé sans prise de décisions ni signature d'accord. Pendant que des écolos de tout bord versent leurs larmes de crocodiles dans les flots médiatiques, on assiste à une bataille mondiale de boulets rouges diplomatiques : "C'est de ta faute!".

Et si on imaginait le "happy end" du sommet de Copenhague? L'accord de lutte commune contre le réchauffement planétaire serait signé. Ce n'était pourtant pas si complqué:
  1. Les pays industrialisés s'engageraient à réduire leurs émissions de CO² et à garantir ainsi que la hausse des températures ne dépassera pas 2° d'ici 2050.
  2. les mêmes pays mettraient sur la table 100 milliards de dollars par an pour aider les pays pauvres à développer chez eux une croissance durable et à s'adapter aux changements s climatiques.
  3. Tout le monde serait d'accord pour lutter contre la déforestation, toujours à cause des émissions de CO² qu'elle provoque.
Ce n'était pourtant pas grand chose, comparé à l'ampleur réelle des problèmes soulevés par l'évolution du climat. Le document signé à la fin de la conférence ( résumé ici par Le Monde) c'est presque ça sauf qu'au lieu des engagements, il n'y a que des déclarations de bonnes intentions. Et ça change vraiment quelque chose?

Il y a tout de même plusieurs points dans cette histoire que je ne comprends pas.

Je ne comprends pas qu'on convoque une conférence mondiale sur le climat et qu'on ne fait que marchander sur les émissions des gaz à effet de serre. Tout d'abord parce que le CO² n'est pas polluant en soi, alors que
  • les industries chimiques et agroalimentaires partout dans le monde produisent des rejets bien plus nocifs,
  • que les décharges envahissent nos terres et les polluent,
  • que les médicaments que nous consommons et que nous jetons se retrouvent dans l'eau des rivières,
  • que la forte concentration des populations dans certaines zones, sans conditions décentes d'hygiène élémentaire et de traitement des eaux usées est une véritable menace.

Et ensuite parce qu'il me semble absurde de considérer que le seul facteur influant sur le climat terrien est l'activité humaine et en plus dans l'activité humaine tout se réduit aux gaz à effet de serre. C'est tout juste qu'on s'intéresse dans cette conférence à la question de déforestation, alors que l'agriculture intensive est en train de transformer des terres fertiles en poussière de façon irréversible, que le monde va bientôt manquer d'eau douce, que le détournement de rivières pour produire de l'énergie hydraulique (sans CO²!) cause des catastrophes écologiques, etc. Pense-t-on que tout cela ne fait pas partie du climat? Ou bien il y aura encore autant de négociations que de questions que nous pose la planète?

Je ne comprends pas comment on peut prétendre pouvoir garantir une hausse des températures de 2° ou de 1.5° ou de 3° d'ici 2050 alors qu'on ne peut même pas garantir un capital placé en banque. J'entends déjà les protestations: "Mais, voyons, la bourse c'est très complexe! on ne peut pas prévoir, c'est aléatoire! Nous ne contrôlons pas le marché!". Ah! Et on pense qu'on peut contrôler le climat? Avec nos pets de CO²? Seulement?

Je ne comprends pas en quoi le fait de financer généreusement des gouvernements corrompus et armés jusqu'aux dents de certains pays va aider leurs populations à survivre face aux changements du climat qui sont déjà là.

Enfin, je ne comprends vraiment pas pourquoi on attend tellement que ce Kyoto 2 soit signé. Ne sommes nous pas en train de nous faire endormir par la gentille berceuse écolo?

lundi 7 décembre 2009

Les distributions: mathématiques abstraites ou appliquées?

En préparant mes cours sur les EDP je suis tombée sur une étude très intéressante de J.-M. Kantor. Elle concerne un épisode de l'histoire récente des mathématiques : l'invention des distributions. Il y a de nombreux enseignements à tirer de cette histoire. Je vais la résumer ici en quelques mots.

Les premières pierres de la théorie des distributions ont été posées par Sergei Sobolev (1908-1989), grand mathématicien russe. C'est en 1934 que Sobolev évoque pour la première fois des solutions généralisées d'une équation aux dérivées partielles hyperbolique. La motivation première de son invention est issue des applications pratiques des équations différentielles qu'il étudie. Dans les travaux qui ont suivi entre 1935 et 1939 Sobolev définit la notion de fonctions généralisées, indépendamment des équations différentielles, comme des fonctionnelles linéaires et continues. Il développe les premières propriétés de ces nouveaux objets mathématiques. Et puis, plus rien pendant dix ans. Pendant cette période Sobolev a disparu de la scène scientifique en laissant la théorie des distributions inachevée. On apprendra plus tard qu'entre 1943 et 1953 Sobolev, comme beaucoup de scientifiques à l'Est et à l'Ouest, a travaillé sur le projet de la bombe atomique.

C'est en France, après la guerre, que les idées de Sobolev ont été reprises par Laurent Schwartz, élève de Haramard. Il a un regard tout à fait différent sur l'idée de fonctions généralisées. Il y voit l'occasion d'appliquer à l'analyse toute la théorie des espaces vectoriels topologiques, de marier enfin pour de bon l'algèbre et l'analyse. Grâce à cette idée dé génie, Laurent Schwartz complète entre 1945 et 1950 la construction de la théorie des distributions, en y définissant en particulier la transformée de Fourier. Le théorème des noyaux, annoncé au Congrès International de 1950 à Cambridge lui vaut la médaille Fields, la plus haute distinction scientifique pour les mathématiciens.

Lorsque la médaille Fields a été décernée à Laurent Schwarz pour le développement de la théorie des distributions, le nom de Sobolev n'a même pas été évoqué dans les discours. La "paternité" de cette invention a été reconnue à Laurent Schwartz. Il a fallu attendre jusqu'aux années 60 pour que le rôle fondamental joué par Sobolev dans cette découverte soit enfin reconnu.

L'un des enseignement de cette histoire concerne deux visions différentes des mathématiques dont la théorie des distributions a profité à sa naissance. La première est ici représentée par l'école mathématique russe. Les mathématiciens russes ont toujours eu le souci de développer des théories pour le bien commun, pour le progrès de l'humanité. La valeur principale des mathématiques était pour eux dans leur capacité à résoudre des problèmes concrets de la vie, des sciences, des techniques. C'est dans cet esprit que les solutions généralisées des équations différentielles ont été inventées. La seconde vision est apportée ici par l'école mathématique française, imprégnée au XXème siècle par les travaux de Bourbaki. Selon Jacobi, les mathématiques servent surtout " pour l'honneur de l'esprit humain". Leur force principale est l'universalité, la généralité. C'est dans cet esprit qu'ont été entrepris de grands travaux de recherche pour "algébriser l'analyse" (expression de J.-M. Kantor) et dont font partie les travaux de Laurent Schwartz sur les distributions.

Ainsi cette histoire, parmi tant d'autres!, nous donne au moins deux réponses à la question que j'entends si souvent de la part de mes élèves: "mais à quoi ça sert, toutes ces maths? ". Ca peut servir à résoudre un tas de problèmes différents, allant d'un moteur de recherche sur Internet, à la compression des images, en passant par la construction de ponts, d'avions, de voitures. Et ça sert aussi à donner toute sa force à l'esprit dans son insatiable envie d'inventer, de créer, de progresser.

Mais il y a des choses auxquelles les mathématiques ne peuvent et ne doivent pas servir, malgré tendances et les pratiques courantes:
  • les mathématiques ne servent pas à acheter les tomates au marché
  • les mathématiques ne doivent pas servir à trier les têtes des jeunes dans les lycées
J'en reparlerai surement un jour...




samedi 5 décembre 2009

Les mathématiques responsables de la crise financière: "qu'on leur coupe la tête!"


Je viens de découvrir dans "Le Monde" daté du 5 décembre une bien curieuse analyse du phénomène qui préoccupe depuis un moment des universitaires de tous les domaines scientifiques en France, et des mathématiciens en particulier. Il'agit du désintérêt apparent des étudiants pour les disciplines scientifiques en général. Les mathématiques en France commencent à ressentir également une perte significative des effectifs dan les formations de niveau master et plus. Oui, en effet, il y a de moins en moins d'étudiants qui se décident de se lancer dans les formations débouchant sur les métiers de l'enseignement et recherche en mathématiques. Mais pourquoi? L'auteur de l'article expédie rapidement la liste des causes déjà plus ou moins connues :
"Cursus long et difficile, incertitude sur les futures ouvertures de postes dans la recherche publique et l'enseignement supérieur, salaires médiocres... les écueils ne manquent pas".
Et comme si tout cela n'était que trop banal, l'auteur de l'article cite M. Jean-Pierre Bourguignon, directeur de l'Institut des hautes études scientifiques (IHES):
"Il y a chez les jeunes une vraie interrogation sur la manière dont la science au sens large façonne la société et sur la manière dont la société a, ou n'a pas, le contrôle sur ces changements. C'est en somme une question d'acceptabilité de la science."


Alors les mathématiques seraient moins acceptables de nos jours, en tout cas pour certains, car elles seraient responsables de la crise financière! Ça, c'est intéressant! Le voilà donc, le coupable! Le mathématicien fou qui, depuis son sombre bureau, a conçu ce plan diabolique! C'est lui qui a eu cette idée formidable de vendre des crédits par millions aux familles insolvables! Lui qui, tel un sorcier, un mijoté dans ces marmites des recettes bien fumeuses pour cacher les crédits moralement pourris dans de bons produits financiers, à l'air tout à fait honnête et respectable. Mais qu'on lui coupe la tête!

Est ce là, la cause de désaffection pour les mathématiques de jeunes et purs étudiants? Seraient ils trop dégoûtés par cette science traitresse et immorale qui s'est vendue aux méchants capitalistes et sert à leur côtés à appauvrir le monde? C'est curieux, car l'armée et l'industrie militaire ne connaissent pas de telles fuites de candidats désireux d'apporter leur part de labeur à l'extermination de l'humanité.

D'ailleurs, l'auteur lui même doute que la cris financière y soit pour quelque chose, en soulignant que ce sont justement des formations en mathématiques financières qui ont un grand succès en ce moment. Il en profite tout de même au passage pour citer une suggestion pour le moins surprenante de Philippe Camus, président d'Alcatel-Lucent:
"il serait bénéfique que les mathématiciens prennent l'initiative de se doter d'un organe qui serait en quelque sorte leur autorité morale. Après tout, plusieurs disciplines scientifiques disposent d'un comité d'éthique à même d'apprécier, voire de corriger, leur impact sur la société".

C'est comme si on demandait à la profession d'artisans couteliers de moraliser la fabrication de couteaux de cuisine sous prétexte qu'un couteau de cuisine peut blesser celui qui l'utilise ou, pire encore!, servir à tuer son prochain. Et ça, voyez vous, c'est immoral! Le résultat le plus logique serait que le couteliers se mettent à fabriquer des couteaux qui ne coupent pas.


mercredi 2 décembre 2009

Sous l'eau

Bloup

Bloup

Bloup

Vivement les vacances!


samedi 21 novembre 2009

La peur de l'abstrait

Une fois de plus j'observe cette année un curieux phénomène dans l'approche qu'ont mes élèves des mathématiques. J'enseigne en ce moment un cours sur les équations différentielles. Une première partie de ce cours est consacrée aux méthodes classiques de résolution. On y apprend à construire des solutions des équations différentielles sous forme de séries ou d'intégrales de Fourier. J'ai observé que, petit à petit, après quelques premières séances, les élèves prennent confiance et assimilent relativement bien le cours.

Mais voilà que, depuis deux semaines, nous avons abordé une deuxième partie du cours, consacrée à la théorie des distributions. Une théorie qui permet d'avoir un regard plus global sur la notion de la dérivée et sur les équations différentielles. Il s'agit de changer de formalisme. De remplacer le cadre d'analyse classique, basée sur la notion de la limite en un point, par celui de l'analyse fonctionnelle qui permet de travailler avec les outils de topologie des espaces vectoriels.

Et là, j'ai senti un changement radical dans l'attitude des élèves vis à vis du cours. J'ai l'impression que le fait d'évoquer un formalisme plus abstrait provoque chez eux un refus d'adhésion, un blocage. Je sens qu'ils ne veulent pas me suivre dans cette nouvelle voie. Mais pourquoi?

A première vue, on pourrait dire que ce qui est abstrait a pour premier effet de repousser l'esprit. En effet, faire abstraction de la nature physique ou autre des objets et des phénomènes étudiés nous prive de nos repères sensoriels, de nos intuitions empiriques. Cela peut ressembler au fait d'être privé de vue brusquement pour quelqu'un qui voit. Mais ces mêmes repères, ces intuitions empiriques, le plus souvent inconscientes, nous empêchent souvent de voir au-delà de ce qui est palpable.

Or, c'est en faisant l'abstraction de la nature des objets que nous libérons notre pensée pour voir enfin les similitudes, les généralités et les propriétés communes dans les choses très différentes. Par exemple, une fonction mathématique permet de représenter toute relation, toute correspondance. Ainsi, la distance qui me sépare du point d'arrivée lors d'une promenade et la température de l'air dans une pièce sont des fonctions. Alors la vitesse de marche ou les variations de la température sont des dérivées des fonctions respectives et obéissent aux mêmes lois mathématiques, peuvent être analysées selon les mêmes règles de raisonnement.

Certes, l'abstraction demande un effort intellectuel et un temps d'adaptation, pendant lequel notre esprit crée de nouveaux repères nous permettant au final d'être à l'aise dans ce nouveau monde, peuplé de concepts au lieu d'objets palpables. Une fois cette adaptation passée, nous ne nous apercevons même pas que nous manipulons certains objets abstraits. Ainsi, mes élèves qui trouvent les distributions "trop abstraites" ne réalisent même plus que les fonctions, les dérivées, les séries sont des notions abstraites. Elles leur sont si familières, qu'elles passent pour presque réelles.

Donc ce n'est pas l'abstrait en soi qui repousse, c'est probablement cette phase intermédiaire d'adaptation, pendant laquelle on a l'impression de plus rien comprendre.

Enseigner et donc apprendre ce qui est abstrait est aussi plus difficile. Il ne suffit pas de répéter, mimer ce qui est dit par l'enseignant, comme on apprend une méthode de résolution d'un certain type de problèmes. Il ne suffit pas d'apprendre par coeur, comme on apprend la table de multiplication ou une formule. Pour s'approprier un nouveau niveau d'abstraction l'élève doit faire le chemin tout seul. Le rôle du professeur est de l'accompagner, lui indiquer la marche à suivre, dégager la route. Tant que la construction intérieure de l'abstraction n'est pas véritablement faite, on reste devant les mathématiques comme devant un tableau abstrait: on ne voit vraiment pas ce que toutes ces couleurs sont sensées représenter. On ne peut le voir que si on a réussi à parcourir le même chemin d'abstraction que l'artiste.


On ne choisit pas d'être au chômage

Lundi dernier un reportage sur France Info a attiré mon attention. On parlait de la reconduite de la prime de Noël cette année. Cette prime est versée depuis 1998 aux chômeurs bénéficiant du RSA et d'autres allocations. Dans le reportage on entendait la réaction d'un responsable d'un association de chômeurs (malheureusement, je n'ai pas retenu, laquelle ). Le brave homme disait que c'était déjà bien à prendre, les 152 euros de la prime, mais qu'il fallait surtout revaloriser toutes les allocations de chômage, pour que les chômeurs puissent vivre décemment. Et il ajoutait ensuite que la prime, ils la réclamaient à 500 euros. Et, en guise de justification ultime de son propos il a dit: "Parce qu'on ne choisit pas d'être au chômage". C'est justement cette phrase qui m'a donné envie de réagir.

Tout d'abord, parce que ce n'est déjà pas vrai: dans certains cas, rester au chômage peut devenir un choix. Certes c'est un choix du moindre mal, par rapport à un travail si mal payé que même les maigres allocations de chômage permettent de mieux survivre à la famille. Mais si on revalorise sans cesse les allocations, sans réformer véritablement le marché du travail, si les allocations de chômage permettent de vivre décemment, alors que le travail ne le permet plus, le chômage risque de devenir un choix, un vrai choix de facilité.

C'est pourquoi il me semble inutile et injuste de dépenser autant d'efforts et de moyens à lutter pour une revalorisation des allocations de chômage sans une réflexion approfondie sur les conditions de recherche et d'obtention d'un emploi.

En France, on a l'impression que les syndicats vivent dans leur bulle complètement déconnectés des besoins réels: ils continuent à lutter pour les mesures de maintient des emplois en ignorant l'impasse dans laquelle se trouve le marché du travail. L'esprit qui domine les discours est celui d'il y a trente ans, quand on faisait le même travail pendant toute sa vie. Tout le système français de législation de travail est bâti sur le principe de protection maximale de ceux qui ont un emploi, au détriment de ceux qui en cherchent un. Perdre un travail est une catastrophe car, tout le monde le sait, il est très difficile d'en trouver un, de changer de voie, de refaire une autre carrière.

A mon avis, si on ne veut pas que le chômage devienne un choix, il est important de redonner de la valeur au travail et d'assouplir le marché de l'emploi en France.

samedi 14 novembre 2009

Le statut d'autoentrepreneur: un décolage réussi... en jetant du leste?

Me voici remontée à la surface pour le week-end.

Avant d'aller ramasser les feuilles tombées (eh, oui, il y en beaucoup dans mon jardin!) je fais ma tournée bureaucratique hebdomadaire. Cette semaine, elle n'est pas drôle du tout: non seulement ce week-end on paie nos taxes d'habitation, mais en plus, je dois signer quelques chèques bien dorés à destination de l'URSSAF, RSI, CIPAV et autres noms de caisses imprononçables car voilà un peu plus d'un an que j'exerce une activité professionnelle en tant qu'indépendant. J'aimerai bien, moi aussi, annuler cette distribution d'argent pour cause d'impossibilité d'assurer la sécurité, ou pour toute autre cause d'ailleurs. Mais quelque chose me dit que cela nous coûterait encore plus cher in fine.

Donc, je signe. Chaque chèque signé ravive en moi un sentiment d'injustice et une forte impression de m'être fait avoir. Et voilà pourquoi.

C'est en septembre 2008 que les choses ont changé pour moi sur le plan professionnel. J'ai dû quitter mon poste d'enseignant permanent mais je ne voulais pas pour autant abandonner l'enseignement. Il était donc question de devenir vacataire. Petit à petit l'idée de m'installer partiellement à mon compte a fait son chemin. Je me suis donc mise à éplucher les différentes documentations et guides pour les novices comme moi en la matière. Je me suis vite rendu compte que la formule la plus adaptée à mon cas serait la micro-entreprise: pas de TVA, pas d'obligation de tenir une comptabilité compliquée.

On parlait aussi beaucoup du nouveau statut annoncé en grande pompe par le gouvernement: celui de l'auto-entrepreneur. Il devait devenir officiel à partir du 1er janvier 2009. Il promettait de simplifier les procédures et offrir un certain nombre d'avantages : le seuil sur le chiffre d'affaires plus élevé que pour la micro-entreprise (32K€ au lieu de 27 K€ par an) et surtout le paiement des prélèvements sociaux et autres charges en fonction du vrai chiffre d'affaires du moment. C'était le plus intéressant! En effet, pour touts les autres régimes, les charges que l'on paie l'année "n" sont calculées sur le chiffre d'affaires réalisé l'année "n-2". Pratique, non? Et quand on débute et qu'on n'a pas encore réalisé de chiffre d'affaires "n-2", on vous l'invente, au forfait! Donc, quand on débute une activité, même si on n'a pas encore réalisé de contrats, on a déjà des charges à payer. Et ce n'est pas toujours facile à supporter. Avec ce nouveau statut les choses seraient simplifiées. A tel point même que la phrase "pas de chiffre d'affaire, pas de cotisations" est devenue presque le slogan de promotion de cette nouvelle mesure du gouvernement.

Alors, en septembre 2008 j'ai beaucoup hésité à attendre jusqu'en janvier 2009 pour pouvoir opter pour cette solution, bine plus avantageuse. Mais le travail, lui n'attendait pas, et surtout, toutes les sources officielles d'information à ce sujet étaient formelles: tous ceux qui seront déjà en activité en 2009 pourront changer de statut.

J'ai donc déclaré en bonne et due forme mon activité dès le mois de septembre 2008, avec une ferme intention de changer en 2009 de statut. Et voilà que la désillusion arrive.

Aujourd'hui on entend surtout des auto- congratulations du gouvernement au sujet du lancement de la formule "auto-entrepreneur": grand succès, déjà plus de 300 000 déclarations enregistrées, "vous voyez, ça marche!". Cela cache tout de même une réalité qui n'est pas si rose. Une partie de travailleurs indépendants a été "oubliée".... ooups.

Les problèmes pour les professions libérales ont commencé dès le début :

"A l'évidence, le nouveau statut d'auto-entrepreneur connaît un premier couac puisque les professions libérales ne peuvent pas relever de ce statut, à l'exception marginale de celles qui dépendent du régime social des indépendants pour la branche retraite.

Pour résoudre cette difficulté, l'Assemblée Nationale a adopté, le 13 janvier 2009, le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés qui comprend un amendement devant permettre aux professions libérales relevant de la CIPAV (Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse) de pouvoir opter pour le statut d'auto-entrepreneur." (Le post, le 15/01/09).

Le dit amendement a été voté fin janvier, mais le problème n'a pas été résolu complètement. Seuls les "nouveaux créateurs" pouvaient opter pour ce régime miracle. Pas ceux qui étaient déjà en activité. Les réponses sont très claires sur www.lautoentrepreneur.fr, le portail officiel des auto-entrepreneurs:

Je suis déjà artisan ou commerçant. Est-ce que je peux bénéficier du statut d'auto-entrepreneur ?
Oui. Si vous êtes au régime fiscal de la micro entreprise, vous pouvez opter pour le régime micro-social simplifié et éventuellement pour le versement libératoire de l'impôt sur le revenu avant le 31 décembre 2009 pour une application à partir du 1er janvier 2010.
Cependant vous n'êtes pas concerné par la dispense d'immatriculation au RCS ou au RM.
J'exerce une activité libérale. Est-ce que je peux bénéficier du statut d'auto-entrepreneur ?
Non, actuellement le dispositif n'est ouvert qu'au professionnel libéral relevant de la CIPAV et créateur à partir du 1er janvier 2009.

Une association a été créée, Collectif Libéraux, pour tenter de réparer cette injustice. Au dernières nouvelles que l'on peut lire sur leur site, les efforts ont été vains. Ainsi, tous ceux qui, comme moi, on déclaré une activité indépendante en tant que profession libérale (enseignants, architectes, ingénieurs, conseillers etc) sont autorisés à aller gentiment se faire cuire un oeuf, à défaut de pouvoir mettre du beurre dans leurs épinards. Il n'y a pas de beurre pour tout le monde. Circulez!
Je n'aime pas les oeufs.



dimanche 8 novembre 2009

We all live in a Yellow Submarine

En ce moment, je passe mes semaines en immersion totale dans les eaux profondes de l'océan Du Boulot. Je remonte à la surface le week-end, le temps de refaire des provisions, payer des factures, soigner mon jardin et voir comment va le monde.
Une brève escale dans le jardin, le dimanche dernier (déjà novembre!?!) m'a apporté une grande bouffée d'air frais. Le temps de ramasser quelques feuilles mortes, sentir la terre sur mes doigts, regarder s'endormir mes arbres.
Quant aux nouvelles du monde, elles me donnent plutôt envie de replonger. Voilà qu'on nous ressort des placards le débat sur l'identité nationale. Facile! Pour ne pas poser et chercher à résoudre rationnellement le vrai problème, celui de la régulation de l'immigration, un facteur de développement économique et démographique incontournable, on vire (machines toutes!) dans la psychose nationale identitaire. Et comme personne n'est capable visiblement de dire au peuple ce que c'est que d'être un bon français, on se contente de stipuler ce qu'est de ne pas l'être. Et voilà que la réponse devient facile et compréhensible pour tout un chacun: "JE suis français parce que LUI, l'Autre, ne l'est pas!". Oui, oui, toujours la même sauce, on a déjà vu ça chez les psys: l'affirmation de soi par l'abaissement de l'autre, et tralala. Il n'y a vraiment pas autre chose dans les idées?
Je zappe: l'Europe fête les 20 ans de la chute du mur de Berlin. Et voilà que Le Monde se demande très sérieusement si, oui ou non, notre président de la République a été à Berlin le jour J à l'heure H. Ah bon? Parce que cela est sensé avoir eu une influence déterminante sur le cours de l'Histoire? Et pendant ce temps ça pleut des commentaires et souvenirs de tout genre. Ceux qui m'étonnent le plus, ce sont ceux qui disent : "Certes, la population de l'est a gagné en liberté de parole et de pensée, mais ils ont retrouvé le chômage et la pauvreté qu'ils ne connaissaient pas sous le régime communiste. Ils avaient tous un emploi, un logement gratuit etc. ". Non, mais je rêve?! Un logement, gratuit? Ah oui, dans les foyers d'ouvriers: trois familles dans la même pièce, et commodités au fond du couloir, l'eau chaude le dimanche, s'il fait beau. Et on payait le loyer aussi! Et on ne pouvait pas choisir où on allait habiter, pas moyen de changer d'adresse. La famille s'agrandit? On s'entasse! On ne connaissait pas la pauvreté? Et encore comment! Mais bien sûr qu'il y avait des pauvres et des moins pauvres. Les riches, c'est vrai, il n'y en avait pas beaucoup. Parce qu'on croit qu'un peuple qui vit avec la nourriture rationnée (beurre, farine, viande, sucre, céréales) n'est pas pauvre? Non, ce n'était pas le paradis de partage de richesses et des fruits du travail qu'il y avait derrière ce mur. Ce sont des pays ruinés par des années de course à l'armement et sous perfusion de propagande qui ont enfin ouvert les yeux sur le monde qui les entoure. Ont ils pour autant retrouvé la liberté?
Bon, je sens qu'il veut mieux que je replonge, finalement. Allez, immersion immédiate et avec la musique! "We all live in a Yellow Submarine!"

samedi 17 octobre 2009

Moi en compote à ramasser à la petite cuillère

Parfois l'enseignement est une activité terriblement éprouvante, physiquement.

Eh, oui! A première vue, on n'a pas l'air de se dépenser beaucoup, quand on est prof: on cause, on se promène gentiment entre les rangs. Et pourtant, il m'est arrivé plus d'une fois de finir une journée de cours complètement vidée, sans aucune force, comme si j'avais passé la journée à charger du charbon. Comment en arrive-t-on là?

Quand on fait un cours, il faut beaucoup d'énergie pour créer et maintenir une présence, pour pourvoir exister même pour les quelques élèves perdus au fond de la classe. Cet effort est invisible mais il est bien réel. Celui qui a déjà fait un cours en essayant de tenir la classe, le sait.

Quand votre public est suffisamment réceptif, quand il accepte de vous suivre, il vous faut juste un minimum d'énergie pour donner aux élèves l'impulsion nécessaire. Mais quand, au contraire, pour une raison ou une autre, la classe est ailleurs, elle ne veut pas savoir ce qu'on lui raconte, elle se transforme en une masse inerte et sourde, impossible à bouger. C'est là que le prof perd toute son énergie!

Vendredi dernier, j'en ai eu une n-ème illustration. Rien de plus difficile qu'une classe d'élèves fatigués par une journée chargée, à la fin d'une semaine bien remplie. Malgré la bonne humeur générale dans le groupe, l'épuisement et le relâchement général était bien perceptible. Et il fallait pourtant bien qu'on arrive à travailler encore 1h30 et sur des sujets pas très faciles. Au milieu de la séance je me suis même demandé si j'allais moi même tenir jusqu'au bout: je sentais mes forces m'abandonner littéralement.

On s'en est sorti tout de même, les élèves et moi. Mais il m'a fallu un week-end entier pour m'en remettre. Et c'est reparti pour un tour!

jeudi 15 octobre 2009

Elémentaire, mon cher Watson! C'est la conséquence directe du réchauffement climatique!

J'ai entendu hier sur France Inter un drôle de reportage dans l'émission "Et pourtant elle tourne".
Il était introduit comme une illustration des conséquences directes du réchauffement climatique. Les reporters de France Inter se sont rendus au Tchad, pays sévèrement touché par la sécheresse et la faim qu'elle entraine.

Première scène: un village au nord du lac Tchad. Un agriculteur explique que les cadavres des animaux que les journalistes ont aperçus le long de la route sont ceux du bétail, mort de faim et de soif. Depuis plusieurs années, le désert gagne du terrain, les pluies sont rares. Cet été a été particulièrement chaud et dévastateur. La nourriture manque aux hommes et aux bêtes. Et puis, il conclue: tout ça est la conséquence directe du réchauffement climatique, des émissions des gaz à effet de serre par les pays développés. Ce genre de discours, venant de ce brave homme surprend un peu. Conséquence directe? Comme ça, paff... un peu direct en effet, le raccourci, mais bon.

Et on entend ensuite le préfet de la région concernée qui explique que si le désert gagne du terrain c'est surtout à cause de déforestation massive des dernières années. Le bois est en effet la source d'énergie la plus facile et la plus accessible aux paysans. Alors ils coupent des arbres. Et pourtant, les réchauds à gaz sont subventionnés par l'état pour aider la population. Et le préfet de conclure : vous voyez, tout ça est la conséquence directe du réchauffement climatique . Là, on reçoit un coup dont a vraiment du mal à se remettre.

La dernière partie du reportage se passe au bord du grand lac Thad. Les pêcheurs constatent que le niveau d'eau a baissé, un viel homme nous dit que jadis l'eau était claire et la voilà polluée. La voix du reporter rajoute que la culture du maïs, gourmand en eau et donc irrigué, est un grave problème pour le lac. Et lui aussi, il conclut: c'est la conséquence directe du réchauffement climatique .

Loin de moi l'idée de nier que le Tchad, comme plusieurs autres pays africains, est gravement touché par la dégradation des conditions climatiques: la sécheresse, la pollution, le manque d'eau douce. Ce qui me révolte dans ce reportage c'est manière de traiter les faits: on met quelques tableaux qui choquent (animaux morts, manque de lait et de beurre pour les enfants) et on y colle en gros et en rouge clignotant le message, bien formaté :

conséquence directe du réchauffement climatique

Où est passée la logique la dedans? Quand on utilise le mot "conséquence" c'est qu'il y a du raisonnement, une déduction, une analyse au moins! Mais on vous dit:

"Mais non, mais non, chers citoyens, pas la peine! Surtout ne vous posez pas de questions, puisqu'on vous dit que c'est comme ça!


Descartes, Holmes, revenez!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

dimanche 4 octobre 2009

Ceux qui savent faire, font; ceux qui ne savent pas, enseignent.

Hier après-midi j'ai mis en pratique ce grand principe fondateur de la pédagogie de tous temps.

Lors d'une promenade au parc j'ai entrepris à apprendre à ma fille à faire du vélo sans les petites roulettes. Moi, qui arrive à peine à faire dix mètres en vélo!

Et pourtant, ça marche!

vendredi 2 octobre 2009

Maths ou Info?

J'ai eu ce midi une discussion très intéressante avec mes collègues professeurs d'informatique autour d' une question qui m'intrique depuis longtemps. J'entends souvent des élèves dire qu'ils sont assez bons en mathématiques mais que l'informatique n'est pas faite pour eux. Et en effet, certains élèves qui réussissent bien en mathématiques éprouvent de réelles difficultés en programmation la plus basique.

Je me demandais pourquoi de telles situations se produisent alors qu'il m'a toujours semblé que quelqu'un qui aime les maths devrait au moins se débrouiller assez facilement en algorithmique élémentaire et en programmation. Et pourtant...

J'ai eu ce midi une explication intéressante de ce phénomène. Mes collègues semblaient s'accorder sur l'idée que le raisonnement abstrait mathématique manipule des faits, des postulats, des théorèmes qui ont un caractère universel et surtout "éternel", une fois que leur vérité est établie. Cela donne à l'univers mathématique un aspect statique par opposition aux considérations algorithmiques, dans lesquelles les objets étudiés sont amenés à évoluer en permanence. Ainsi, les mathématiques ne nécessiteraient pas d'approche procédurale, séquentielle.
Cette idée me semble intéressante même si je ne suis pas totalement d'accord. En mathématiques appliquées, par exemple, la notion même d'algorithme est très présente. L'analyse réelle la plus simple introduit la notion de récurrence à travers les suites récurrentes et les équations aux récurrences. Toute la science de systèmes dynamiques est liée intimement à la notion d'algorithme. Sans parler d'analyse numérique, de logique computationnelle et de la théorie de complexité algorithmique, enracinée dans les mathématiques. Il serait trop simpliste de dire que les mathématiques excluent tout raisonnement procédural ( et mes collègues étaient d'accord la-dessus).

Néanmoins, cette hypothèse pourrait expliquer le fait que certains élèves, tout en étant à l'aise en mathématiques, on du mal avec des algorithmes.

Si là on tient la cause d'un mal, il reste à trouver comment le guérir...

jeudi 1 octobre 2009

"La folie a du bon!"

Parfois, comme AsTeR, je me dis que je devrais arrêter d'écouter la radio. Parfois, je me dis que certains jours il vaut mieux ne pas suivre mes propres conseils. Ce matin, sur France Inter, dans l'émission "Esprit Critique" j'ai appris qu'une exposition bien singulière se prépare à Paris. Il s'agit de l'exposition à ciel ouvert des photos de JR, des photos de son dernier projet, Women are heroes.

C'est la phrase de l'artiste lui même, interrogé par France Inter, qui m'a interloquée:
"Il faut faire faire quelque chose de fou pour pouvoir parler des gens aussi ordinaires".
Ce qu'il a déjà fait, rien que pour ce projet, est en effet complètement fou: il a collé ses photos sur les trains qui traversent les pays de l'Afrique, sur les murs des bidonvilles et les voilà sur les quais de l'Ile Saint Louis à Paris.

Ces photos qui nous renvoient les regards des femmes que l'artiste a rencontrées aux quatre coins du monde contrastent étrangement avec les images que nous avons l'habitude de croiser sur les murs d'une grande ville. Ces femmes ne sont pas là pour nous montrer de beaux dessous ou une voiture de luxe. Elles nous regardent, c'est tout. Elles existent. Loin d'ici, là où elles ne connaissent rien de la sécurité sociale, des comptes en banque, des voitures électriques, des budgets à trous, des soap opéras judiciaires tous les soirs à 20h00 ni même des glaces Bertillon!

Elles ne sont pas pour autant moins pleines de vie, d'espoir, d'amour, de malheurs. Elles font face à la vie avec courage, patience et dignité. Faut-il en parler? Oui! Rien que pour nous rappeler qui nous sommes et nous extraire ne serait ce qu'un instant du cocon étouffant de lavage de cerveau médiatique.

Si j'étais parisienne (un jour, sûrement!) j'irais la voir, cette exposition. J'espère pouvoir tout de même profiter de l'un de mes passages éclairs dans la ville de mes rêves pour y aller.


Je serais curieuse de voir quel effet ça ferait si on mettait en face de ces photos celles de "La Terre vue du ciel" de Y. A. Bertrand. Tout est un point de vue, après tout.

jeudi 24 septembre 2009

Une journée pour refuser l'échec scolaire

En allumant ma radio hier après-midi, j'ai appris que c'était la deuxième journée de refus de l'échec scolaire. Et voici France Info qui nous livre un reportage poignant sur la question.

Parfois, comme AsTeR, je me dis que je ferais mieux de ne plus écouter ma radio, surtout France Info. Parfois, je me dis aussi que je devrais mieux suivre mes propres conseils... Et pourtant...

Me voilà à l'écoute d'un entretien au sujet d'une étude réalisée par Trajectoires – Groupe Reflex sur le vécu quotidien des élèves de primaire et collège. L'invité explique à la demande du journaliste que l'enquête a été réalisée par les étudiants bénévoles de l'association AFEV qui intervient auprès des familles dans "les quartiers". Tout au long de l'entretien le journaliste revient alors sur "les cités", "les quartiers difficiles", "les familles défavorisées". Histoire de rassurer par petit rappels subliminaux les auditeurs: l'échec scolaire, ça arrive surtout quand on est pauvre et qu'on habite dans une cité. Nous voilà donc tranquilles, ouf.

Et ça dure, ça dure... L'échec scolaire c'est quand on peur d'aller à l'école. Et pour preuve: France Info est allé interroger des enfants dans un collège, pourtant labéllisé d'un label très important. Le journaliste nous invite à écouter les témoignages. Et les gamins de 6-ème qui nous expliquent qu'ils sont désorientés dans ce monde nouveau, que c'était pas comme ça au primaire: il faut changer de salle entre les leçons, il y a plusieurs professeurs, ils n'osent pas leur demander de l'aide. Déchirant! Quand je pense qu'un jour il va falloir envoyer mes propres enfants, mes chéris, dans cet univers qui fait si peur! Je sens presque une larme qui se cache déjà dans le coin de l'oeil. Mais j'attends toujours qu'ils commencent à parler vraiment de l'échec scolaire. J'attends toujours...

Et pourtant les questions ne manquent pas!
  • Quelle est réellement l'influence du milieu familial? On devine, certes, qu'elle est importante. Mais que peut faire l'école face à une telle inégalité sociale? Peut on traiter de façon égale les enfants qui vivent dans le monde où ils ne sont pas égaux? Est ce que le principe d'égalité de traitement à l'école est un bon principe?
  • Et pourquoi ne parle-t-on pas des enfants qui vivent dans les cités, dans les familles pauvres et qui s'en sortent malgré tout? Comment font-ils? Grâce à leurs profs? A leurs parents? A leur propre volonté?
  • Quel est le rôle des officines privées d'aide scolaire? Comme par hasard, on retrouve un peu partout des réactions vives à la pub d'Acadomia : "Bachelier ou remboursé". Une très bonne analyse à lire sur ce sujet chez Le privilégié.
  • On associe souvent l'échec aux problèmes de lecture. Un sujet de débats permanents! Mais à quoi sont dus ces problèmes? La faute aux profs? A la méthode? Et que dire des enfants qui lisent bien, mais qui se retrouvent cancres quand même?
Bref, l'échec à l'école est un phénomène complexe, qui des causes mal connues, mal expliquées. Il m'a paru presque vexant d'entendre parler d'un collège qui expérimente un système où chaque classe de 6-ème a sa propre salle à l'occasion d'une journée de refus de l'échec scolaire. C'est se moquer de ceux qui le vivent, de leur malheur.

Pour ma part, j'ai lu cet été un très bon livre sur le sujet que je conseille à tout le monde, profs, élèves, parents: "Le chagrin d'école" de Daniel Pennac.

Et pour ceux qui ont peur de la 6-ème, une (re)lecture de l'"Idée du Siècle" du même auteur ferait le plus grand bien;-)

mardi 15 septembre 2009

Hadopium ou Hadopix?

Voici des années que l'empire culturel romain s'étend jusqu'aux confins du monde, grâce à L'Internet, la nouvelle arme fatale des producteurs d'Hollivoodium. Mais... il reste toujours ce petit village gaulois qui résiste encore, grâce à son secret absolu, l'exception culturelle! Les pirates gaulois sapent sans cesse les bastions romains les mieux protégés, menaçant de faire écrouler un jour tout l'empire! Leurs téléchargements inquiètent au plus haut degré les romains. Ne sachant plus que faire, ils imaginent une ruse infâme!
En secret, ils envoient deux de leurs meilleurs avocats déguisés en druides des villages lointains pour porter conseil à Abraracourcix. Ils lui conseillent d'éditer une LOI pour lutter contre les pirates d'Internet.
-Et pour quoi faire, une loi? On dirait une de ces idées de romains?
-Mais pour nourrir Assurancetourix, bien sûr! -répondent les avocats. Ce n'est pas un hasard si personne ne l'invite aux banquets! C'est qu'ils ont tous téléchargé ses oeuvres pour ne pas payer!
-hmmmm?
-Et puis, nous avons pour vous une solution magique pour surveiller tous les ordinateurs du village! Pour peu que les romains essaient de s'infiltrer, vous le saurez!
-Pas mal, pas mal...
-Nous avons déjà un texte qui va très bien, Hadopium, pas besoin de chercher!
-Eh, bien, soit! Seulement, d'où vous sortez un nom pareil? On dirait vraiment que vous êtes allés faire un stage chez les romains! HADOPIX, c'est mieux!
Sur ce, les avocats romains, contents de leur mission s'en vont.
Les jours passent. Assurancetourix, n'est toujours pas invité aux banquets du village. A tel point que Panoramix, le sage, se demande enfin, comment peut on nourrir ce pauvre barde, maintenant qu'on a cette fameuse HADOPIX. Trouvant la question difficile il décide alors de réunir le conseil suprême des doyens du village pour y réfléchir.
-Etonnez moi!-leur dit il- Cette chose étarnage qu'ils appellent tous Internet, doit bien avoir des pouvoirs magiques!

Que vont ils trouver? Quel autre piège leur préparent leurs ennemis?

A suivre...

lundi 14 septembre 2009

I'm In Love With My Suitecase!


Que pouvait il offrir à sa voiture, Freddie, une chanson? Bon, d'accord, ce n'est pas n'importe quelle chanson. Mais.... il n'a pas connu TGV. Parce que s'il l'avait connu, il l'aurait sûrement laissé tomber, sa voiture ( qui pollue, en plus, berk!). Il aurait peut être même laissé tomber la scène (ça, ce serait vraiment dommage!), pour
devenir cheminot ou abonné fidèle. Il aurait tout fait pour lui offrir le plus grand, le plus beau des cadeaux: le TGV! A elle, à sa valise!


Oh, oui! Quand on a connu le TGV, on a connu le comble de l'amour, le sommet du bonheur! Oh, oui, je peux le dire maintenant: j'aime ma valise! Et, en signe de cet amour éternel, je lui passe aujourd'hui autour du pignet le plus précieux des bijoux, ce bracelet qui signifie tant pour nous
deux: je lui offre le TGV!

Merci, oh combien merci, SNCF, de m'avoir ouvert les yeux, de m'avoir donné cette occasion unique de découvrir ma véritable passion, de regarder enfin ma valise autrement! Merci pour ce
retard de 1h15, merci d'avoir guidé mes pas perdus dans cette gare immense à la rencontre avec l'évidence: I'm In Love With My Suitecase!

samedi 12 septembre 2009

La grippe arrive, mais on tient bon!

En ces temps difficiles où les virus invisibles et cruels hantent nos lieux publics, nos écoles, nos cantines, nos maisons, voici quelques paroles de réconfot, une chanson qui nous redonne de l'espoir:

Chantons, mes amis, chantons!

mardi 28 juillet 2009

Ukraine: choses vues

Mes observations ont été limitées cette fois à un seul quartier de la ville, celui où j'ai grandi et où habite toujours ma mère. A mon époque, c'était un quartier ouvrier: les usines étaient disposées tout autour. Aujourd'hui, les immeubles d'après guerre et les "khrouschevka" (datant des années 60-70) sont en mauvais état, les rues sont mal (ou pas du tout) éclairées, les routes et les trottoirs comptent plus de trous que d'asphalte. Quand il pleut, il est litéralement impossible de traverser la rue sans marcher dans les flots d'eau. Bref, c'est un quartier plutôt pauvre.

La première chose qui m'a frappée: les enfants. Ici, à Kharkov, dans ce quartier, les yeux des enfants sont tristes, gris, graves. Ils ne rient pas. Comme les eaux d'un lac qui reflètent le ciel, les yeux d'un enfant reflètent les regards qui se posent sur lui. Les adultes non plus ne sourient pas. On a l'impression dans la rue que les gens mettent une sorte de masque pour sortir de chez eux. Ils se regardent avec méfiance.

Au beau milieu de ce quartier en ruine se dresse un grand magasin de meubles et électroménager, flambant neuf. On y trouve toutes sortes d'appareils, un peu comme chez darty et aux mêmes prix. J'y suis entrée pour voir. Si on ne montre aucun signe extérieur de richesse, les vendeurs vous regardent d'en haut avec une légère touche de mépris. Si tout même on leur achète quelque chose, on peut espérer apercevoir un léger sourire.

La jeunesse m'a paru précaire, fragile et surtout, courte. Pour les filles, le meilleur moyen de s'en sortir reste le mariage. A la façon dont elles s'habillent, à la démarche, au regard, on voit que tout est fait pour trouver un bon parti pour "se caser" le plus rapidement possible. Seulement, une fois mariée, leur jeunesse, leur beauté flétrit à vue d'oeil et les horizons se referment devant. Celles qui réussissent tout de même à faire carrière, à se réaliser dans la vie professionnelle, ont le plus souvent du mal à avoir une vie familiale stable et équilibrée. Les moeurs n'ont pas beaucoup changé depuis mon départ et il m'a même semblé qu'elles ont même régressé. J'ai dit à mon ami qui m'accompagnait pour un tour dans le quartier, que je n'aurais pas supporté un tel sort réservé aux filles. Il m'a alors répondu: "Toi, c'est sûr. Dans notre bande de copains à la fac, tu as toujours été "un copain" à nous".

Globalement, j'ai eu le sentiment que les gens étaient litéralement écrasés par la crise qui a eu un impacte immédiat dans ce pays sans gouvernement qui commencait tout juste il y a trois ans à retrouver quelque espoir. Ils n'espèrent plus, ils vivent au jour le jour.

C'est difficile à voir et cela ne se voit pas de loin, d'ici, de la France. Et pourtant, ça aide à relativiser ce qui nous arrive ici et à prendre conscience de la chance que nous avons.

samedi 25 juillet 2009

Ma patrie et ma maison

Je reviens d'un court voyage (3 jours) dans ma ville natale, Kharkov, en Ukraine. Cela fait trois ans depuis ma dernière visite. Un vieil ami est venu me chercher à l'aéroport. Nous avons ensuite bu le thé ensemble chez ma mère, parlé des choses et d'autres. Dans la discussion, il a dit une phrase qui résonne encore dans mon esprit:

"Notre patrie est là, où sont nos parents et notre maison est là où sont nos enfants".

Et moi, j'en suis où? Oui, ma maison est incontestablement ici, en France, où grandissent mes enfants. Je me sens chez moi ici. Et ma patrie? Que reste-t-il du pays où j'ai grandi? De la culture qui a nourri mon esprit, qui a formé ce que je suis? J'ai eu des sentiments très confus en observant après une très longue absence ce qui serait d'après la définition de mon ami ma patrie. En refermant la porte du vieil appartement délabré de ma mère, lieu où j'ai passé presque toute mon enfance, toutes mes années universitaires, je retrouvais cet univers qui était le mien; en retrouvant les amis de la famille, ceux qui restent encore la bas, je retrouvais l'esprit et la culture dans lesquels j'ai grandi. Mais dès que je sortais dehors, j'étais sur une autre planète. Tout en me disant qu'il était normal qu'un pays change, surtout après des bouleversements historiques qu'a connu le mien, je n'arrivais pas à accepter ce nouveau monde que je voyais. Quelque chose y manquait. Ce nouveau monde, semblait figé dans un état de champignon qui se nourrit des restes de la diversité déchue mais ne produit rien d'autre que des champignons.

Et ma patrie, où est elle? Dans cet appartement où vit encore ma mère? Et quand elle ne sera plus?

Est ce le destin de tous ceux qui quittent un jour la terre de leurs ancêtres?

L'élégance du hérisson

J'ai découvert le livre de Muriel Barbery comme on découvre une âme soeur, un ami dans un inconnu rencontré au hasard. J'en ai entendu parler à la radio. Le titre et le résumé m'ont intriguée au point de ne plus quitter ma mémoire. A plusieurs reprises je suis allée retrouver le livre dans les rayons des librairies à l'occasion d'un passage. Mais je n'osais pourtant pas me l'acheter comme on hésite à aborder une personne que l'on ne connaît pas malgré un fort sentiment de sympathie qu'on éprouve envers elle, sans savoir pourquoi.

Mais voilà enfin que je me lance un jour... et c'est l'illumination! Une écriture si fraîche, si joyeuse, si belle! Une fois le livre refermé, avec une petite larme dans le coin de l'oeil, j'ai eu envie de le rouvrir pour me replonger dans la délicieuse beauté de cette langue! Je l'ai emporté avec moi dans le voyage et je l'ai relu ainsi, en ouvrant au hasard et relisant des petits passages.

Un vrai délice!

mercredi 24 juin 2009

Loi HADOPI: et maintenant, on fait quoi?

Je reconnais solennellement d'avoir lu soigneusement et des centaines de fois les notices légales qui s'affichent sur mon écran chaque fois que je m'apprête à regarder un DVD (même en toutes langues pour être sûre de ne rien rater!).
Oui, j'ai subi des centaines de fois la torture sonore et visuelle infligée par les mêmes DVDs sous forme d'un clip vidéo visant à montrer que pirater un DVD est aussi grave que de voler une vielle télé cathodique qui de toutes façons ne marche plus. J'en peux plus, je craque. J'avoue avoir prêté des DVDs et des CDs à mes amis et avoir ainsi enfreint à l'obligation d'usage dans le cercle familial et privé.

C'est sûr, ILS le savent déjà! ILS savent tout! Et ILS vont maintenant nous punir! ILS ont trouvé un truc encore plus fort que le clip vidéo! HADOPI! Pitié, pas ça! Je suis prête à regarder le clip trois fois par jour, s'il le faut!

Bon d'accord, je sais: TROP TARD! Mais je me pose tout de même une question. Qu'est ce qui va se passer concrètement?
Comme beaucoup de gens, j'utilise Internet pour mon travail, ma culture et pour communiquer avec mes proches. J'en ai rien à cirer de la musique MP3, j'aime mes CDs et mes DVDs (que j'achète!) et ma radio.

Et bien, maintenant, il va falloir s'habituer à l'idée qu'aux yeux de nos chères administrations qui veillent sur nous pour notre bien, je suis devenue encore plus dangereuse. En plus d'être potentiellement fraudeuse à la sécurité sociale, aux impôts, en tant d'entrepreneur indépendant, je suis maintenant potentiellement pirate numérique! Cela pourait faire une raison de plus de devoir se justifier alors qu'on n'a rien fait. Mais il y a tout même une différence. Pour les impôts ou la sécurité sociale on en reste aux affaires d'argent. On me demande des papiers à fournir. Je les fournie ou je paye. Mais personne ne me demande ce que je pense, ce que je lis, ce que j'écoute comme musique. Pour la loi HADOPI cela ne suffit pas! Pour me contrôler on irait jusqu'à l'instrusion dans ma vie privée en suveillant mes connexions sur Internet.

Il reste à espérer que HADOPI va s'étouffer dans ses propres contradictions et la totale impossibilité d'application. En voici une belle illustration, trouvée dans un article du Monde sur le piratage trop facile des réseaux Wi-Fi: une jolie application pour iPhone permettant de cracker les clés de sécurité des réseaux Wi-Fi.




Pas grave, on mettra des mouchards sur les téléphones portables aussi. Pratique: non seulement on saura tout de ce qu'ils font sur le Net, mais aussi on aura accès à toutes les communications. Bien sûr, uniquement s'il y a des soupçons quant à une éventuelle possibilité d'une quelconque forme d'atteinte aux droits d'auteurs.

mardi 26 mai 2009

Apprendre par projet: début d'une analyse

Cela fait déjà un certain temps que je participe à une réflexion  initiée par mes collègues professeurs sur la pertinence et l'utilité de la pédagogie par projet dans une école d'ingénieur.  Les expériences accumulés par la pratique, plus moins positives, nous ont poussés à en faire une analyse critique et réfléchir sur les nouvelles formes de projets et sur les méthodologies de mise en place.  

Depuis, j'ai pu participer à l'encadrement de quelques projets selon une nouvelle organisation mise en place. Cela m'a parmi de faire quelques nouvelles observations  qui ont nourri les nouvelles réflexions. Cet article  sera le premier texte d'une tentative de synthèse  de différentes idées et  critiques issues  des débats  et de mes propres réflexions sur ce vaste sujet. 

C'est également une invitation à tous ceux qui s'intéressent  de près ou de loin au sujet à participer aux discussions ici. Si vous avez des expériences d'enseignement par projet à partager, vécues comme étudiant ou comme enseignant, ou si vous avez tout simplement des idées, n'hésitez pas à intervenir dans les commentaires. J'en ferai des synthèses dans les articles suivants. 

 Je signale, pour commencer, une intéressante analyse faite par Eric de Trévarez dont j'ai découvert le blog grâce à SOSéducation. Il est important à noter que sa réflexion porte sur l'utilisation de la pédagogie par projet essentiellement dans l'enseignement secondaire. Loin d'être aussi sceptique que Eric de Trévarez   je m'intéresse  aux applications possibles de pédagogie par projet dans l'enseignement supérieur et plus particulièrement celui des écoles d'ingénieur. 

Je pense en effet que dans un enseignement qui le plus souvent termine la formation d'un futur ingénieur et a donc pour objectif de le préparer à intervenir directement en entreprise la pédagogie par projets a sa place. La question est de déterminer quelle est la bonne mesure de projets dans un enseignement de ce type, quel est l'équilibre approprié entre les connaissances  et les compétences que l'on doit viser dans une formation d'ingénieur. 

Je vais donc commencer ici par délimiter le cadre dans lequel je pense mener mes réflexions  sur la question. 

Tout d'abord, il s'agit pour moi d'étudier la pertinence d'un outil pédagogique, parmi d'autres,  dans un contexte spécifique: la formation d'ingénieur. 

Cet outil peut servir à des fins différentes:
  • acquisition de nouvelles connaissances
  • approfondissement des connaissances en cours d'acquisition
  • acquisition de nouvelles compétences
  • évaluation (connaissances et compétences)
Pour moi, la forme, la construction, le déroulement, les échanges élèves-professeurs ne sont pas les mêmes selon la finalité d'un projet. 

Quels sont les critères pédagogiques déterminants dans la conception d'un projet? Voici quelques uns:
  • finalité pédagogique (par exemple, selon la liste ci-dessus)
  • degré d'autonomie des élèves
  • degré de relation avec d'autres formes d'enseignement (par exemple, projet comme méthode unique, ou comme accompagnement de cours "traditionnels")
  • apprentissages visés (connaissances, compétences etc)
  • mode d'évaluation du projet lui même et de matière concernée
Peut on tout apprendre par projet? Mon opinion est que non, pas tout? Mais il est alors intéressant de savoir distinguer ce qui se prête bien à l'apprentissage par projet et ce qui nécessite d'autres méthodes pédagogiques. Sans oublier les possibilités d'utiliser plusieurs méthodes pédagogiques dans une même matière, pourquoi pas? Quelles en sont alors les justifications? 

Enfin, il me semble évident que si l'on souhaite utiliser les projets dans une formation, le travail  de préparation  que l'enseignant doit fournir est spécifique. Un projet de se conçoit pas  comme un cours traditionnel sur la formule "cours magistral-TD/TP-examen". Peut on alors  décrire une méthodologie  de conception de projets  de différents types pour aider les enseignants à préparer et conduire  des projets réellement  efficaces? 

Même si vous n'êtes que de passage, au hasard, sur ces pages, n'hésitez pas à donner votre avis.

mardi 19 mai 2009

La motivation: la bonne vielle histoire de la poule et de l'oeuf.

Qui doit motiver qui? Est ce que professeur de motiver ses élèves? Est ce aux élèves de motiver leur professeur? 

J'ai très souvent entendu mes élèves dire, avec un soupir  de héros fatigué : "Je ne viens plus à tel cours, parce que je ne suis pas motivé" ou "Je ne fais pas mes devoirs de maths parce que ce n'est pas motivant" ou" je n'ai pas appris mon cours pour la colle parce que c'est difficile et que je ne suis pas motivé" etc, etc. Et quelles sont les raisons d'une telle démotivation? Selon le cas, on trouve des variantes, mais essentiellement,  ce sont toujours les mêmes motifs: 
  • pas intéressant
  • difficile (je n'ai pas l'habitude de travailler autant)
  • trop abstrait
  • on ne voit pas à quoi ça sert
  • je n'ai pas compris au début, alors maintenant je suis largué
  • moi, je veux la moyenne, alors pas besoin d'en faire autant 
Et presque toujours : "C'est la faute au prof!". 

D'un autre coté, il m'est arrivé maintes fois de voir un prof sortir de sa classe épuisé, abattu presque, désespéré, vidé. Moi même, j'ai vécu cela plusieurs fois. Rien de si difficile qu'affronter une classe qui ne veut pas apprendre ce que vous lui racontez. Un mur, droit, dur, froid devant vous. Si on n'arrive pas à le briser, on en sort pressé comme un citron. Et pas très envie d'y retourner le lendemain! "Ces élèves ne me donnent plus envie de travailler!". 

Pourquoi? On pourrait se dire que dans l'enseignement supérieur, dans une classe prépa ou une école d'ingénieur on ne devrait pas observer ces situations. On ne devrait plus du tout se préoccuper des motivations des uns et des autres. Car, normalement, l'élève qui se trouve sur les bancs d'une école d'ingénieur ou d'une faculté, y est par choix. S'il est vrai que le primaire et le collège sont obligatoires, l'élève ne choisit pas d'y aller, la poursuite des études est un acte de choix de sa part. il est donc sensé avoir naturellement un objectif à atteindre; son choix est en soi une motivation suffisante pour travailler, franchir les difficultés, prêter de l'intérêt aux matières enseignées. 

Cependant, si l'on regarde de plus près, les choses ne sont pas aussi simples.  Ce que l'on considère comme un choix de formation  est plutôt dans la plupart des cas un pari sur son futur. L'étudiant fait un pari que telle ou telle formation lui plaira et assurera un bon métier plus tard. Il ne choisit pas de faire des maths, des probas, de la programmation etc. Il ne peut pas car les contenus des cours proposés ne signifient pas grand chose pour lui au moment où il se décide pour sa formation. 

Alors, une fois dedans, il peut être normal que l'élève pose la question: mais pourquoi dois je apprendre ceci ou cela? La réponse standard pour les maths consiste à dire: "Il faut faire des maths parce qu'un ingénieur doit être fort en maths". Cela  aura un certain effet de déjà vu. L'élève en retiendra que "pour être chef, il faut avoir fait des maths". Chez les primates, le mal dominant tape régulièrement sur tout ce qui bouge pour montrer aux concurrents qu'il est le plus fort. Chez les homo sapiens civilisés, l'ingénieur dit :"Moi, j'ai fait des maths en prépas et en école d'ingénieur, et j'ai survécu! Je suis plus fort que toi!". 

Ce genre d'arguments, aide à subir les cours et les examens  mais ne motive pas trop à apprendre. Il serait donc justifié de la part des enseignants d'investir dans la recherche de moyens pédagogiques favorisant l'intérêt réel pour leur cours. 

D'un autre coté, un certain esprit de consumérisme vis à vis des études se repend de plus en plus chez les étudiants et au moment où ils arrivent dans une école d'ingénieur il devient très difficile de le surmonter. A tel point, que les profs les plus passionnés en viennent à baisser les bras parfois devant l'argument massue : "A quoi bon me casser la tête à comprendre si ça ne fait que 2 points dans un examen?! j'aurai la moyenne quand même!".  Pour éviter ce genre de répliques, un effort de prise de conscience par l'étudiant lui même sur ce qui est en train de faire là, dans cette école, est une condition minimum pour sa réussite. 

Si l'on considère l'enseignement non pas comme une communication à sens unique (professeur->élève) mais comme un échange, la question de motivation trouve sa solution. Dans cet échange, chaque partie a ses propres objectifs mais chacun doit être conscient d'un intérêt commun: faire en sorte que l'échange dure le temps nécessaire pour atteindre les objectifs. Alors chaque partie a intérêt à nourrir, soutenir, relancer l'échange. Chaque partie, professeur et l'élève, a donc intérêt à "motiver" l'autre. Cela suppose tout de même quelques conditions: une prise de recul, une remise en question de soi et un esprit de coopération plutôt que d'opposition. 

Le paradis est encore loin....

lundi 18 mai 2009

Pédagogie dans l'enseignement supérieur

Comment devient on enseignant dans le supérieur? Le plus souvent, après des études de doctorat dans la discipline de son choix. 

Que devient on après un doctorat? Le plus souvent, enseignant  du supérieur (université ou grandes écoles). 

Alors il serait logique, pendant les études de doctorat, d'apprendre au moins quelques rudiments du savoir faire d'enseignant, de la science pédagogique. 

Et bien, non! Ni pendant ni après!  Le jeune enseignant-chercheur fraîchement recruté à un poste tant convoité sera jeté la tête la première dans  la cage aux lions avec pour objectif de leur transmettre le très grand savoir dont il désormais certifié détenir tous les secrets. Et débrouille-toi si tu veux en sortir vivant. C'est vrai que la plupart des thésards font quelques heures d'enseignements pendant leurs thèses (monitorat, ATER etc). C'est tout? Mais qui leur apprend COMMENT faire? Personne. 

J'ai vécu ça moi même. Pour ma part, je ne regrette pas une seule seconde le grand plongeon. Je me souviens encore, comme si c'était hier, de mes tout premiers instants devant une classe de 40 élèves ingénieurs. Je VOULAIS enseigner. Mais j'étais loin de m'imaginer ce que c'est au quotidien. Et je pense qu'une formation en didactique  et science pédagogique m'aurais au moins permis d'éviter un certain nombre d'erreurs bêtes. 

Visiblement, dans le monde d'enseignement  supérieur, on estime qu'il suffit  d'être expert de haut niveau dans  une discipline (décrocher  son doctorat, par exemple) pour être qualifié pour transmettre  son savoir. A ce principe  je voie  deux objections de taille. 

La première est que lorsqu'on fait un doctorat, on devient, certes, expert mais sur un sujet très très pointu, loin des sujets que l'on enseigne habituellement aux élèves tout juste sortis de leur bac ou de leur prépas. Par exemple, le sujet de ma thèse portait sur la théorie spectrale des opérateurs discrets  de Schrödinger à potentiels périodiques et quasi-périodiques. J'en savais un paquet sur le sujet après 4 ans de recherches exclusivement dédiée à cela. Une fois la thèse passée, j'ai commencé en tant que prof  en école d'ingénieur  avec: 
  • mathématiques pour ingénieur
  • commande optimale
  • analyse numérique
  • théorie du signal
  • automatique
  • probabilités
  • etc
Bref, rien à voir avec ma thèse. Oui, j'ai atteint un niveau de maîtrise en mathématiques qui me permettait  de résoudre sans moindre mal tous les exercices que je devais faire faire aux étudiants. Et alors? Strictement parlant, cela signifie que j'étais qualifiée à leur montrer comment moi, je faisais. Peut on estimer que cela est suffisant pour apprendre quelque chose à quelqu'un? Mon cas n'est pas unique. Un jeune maître de conférences n'enseigne pratiquement jamais ce qu'il a fait dans sa thèse. Et il n'a aucune idée de COMMENT faire pour que l'autre, l'étudiant, comprenne ce que lui même a réussi à comprendre un jour. Et débrouille toi si tu veux en sortir vivant! 

La seconde objection découle de la première. Si le diplôme de doctorat certifie un certain niveau de maîtrise d'une discipline, au sens large, et une expertise  sur un sujet particulier de cette discipline, rien n'est  prévu dans le système pour former le jeune chercheur au métier d'enseignement.  Il suffit donc d'avoir compris soi même quelque chose pour l'enseigner aux autres? Faux! Lorsque notre jeune chercheur a été lui même étudiant, s'il a réussi dans une matière, s'il a compris quelque chose, il ne s'est jamais posé la question "comment?". Comment le prof a fait pour qu'il comprenne? Comment lui même a fait pour comprendre?

 L'enseignement est une science et un savoir faire. Il y a des méthodes, des techniques, des approches. Enseigner c'est aussi savoir établir un contact avec un groupe d'individus ayant chacun leur volonté, leur motivation, leur façon d'être. Enseigner c'est forcément établir un contact humain avec ceux qui vous écoutent. Et personne n'apprend rien de tout cela  aux jeunes chercheurs! Comme si enseigner consistait à réciter devant des chaises vides ce qu'on a soi même retenu de ses propres études! 

Pas étonnant que l'enseignement est souvent vu comme un fardeau par les enseignants chercheurs.  Le fait que les enseignants ne sont pas formés est pour moi en partie responsable du taux d'échecs élevé en première année de fac
Le système ne semble pas vouloir reconnaître que le statut d'enseignant-chercheur n'a de sens que si c'est un véritable statut à double compétence: celle de chercheur et celle d'enseignant.  Pour nous donner un exemple,  voici comment les universités canadiennes  voient la question. En aidant leurs enseignants à faire leur métier. Pourquoi pas nous? 


vendredi 15 mai 2009

Chroniques d'une aventure immobilière en pleine crise. A qui profite la crise?

Et voilà, passé l'épisode de quarantaine médiatique suite à une infection grippale psychosomatique mondiale, c'est reparti pour un tour sur La Crise! 

A tel point que la crise est devenue prétexte à tout.  Prétexte commode pour refuser du boulot aux jeunes.  Prétexte à séquestrer des gens à la chaîne. Prétexte surtout à la bêtise impunie! 

Il se trouve que nous avons une maison à vendre. Eh, oui, je sais,  en pleine crise! Qu'est ce qui nous a pris de décrocher un boulot intéressant et de déménager juste avant que "THE BIG CRISE" arrive? 

Comme le malheur n'arrive pas seul, voilà qu'un problème survient sur le système de chauffage pendant les fortes gelées de l'hiver dernier. Pas facile d'organiser les réparations quand on est à 400 km. Mais bon, on décroche le téléphone et on contacte les entreprises spécialisées. 

Tiens, il parait que le bâtiment est l'un des secteurs les plus touchés par La Crise. Ils n'ont pas de boulot! C'est dur pour les artisans du bâtiment! Les clients particuliers n'ont plus d'argent non plus. Ils préfèrent rafistoler leurs tuyaux crevés eux mêmes! Et voilà qu'un pigeon les appelle: il a besoin d'un devis de réparation de son système de chauffage. Que croyez vous qu'ils font? Cela fait un mois que nous attendons qu'un plombier de l'entreprise en question passe dans  notre maison! C'est la crise, évidemment! Ils sont débordés à force de se lamenter et pleurnicher et demander des aides à l'état!

Pendant ce temps, notre aventure immobilière continue, malgré La Crise!

Bien sûr, les fuites d'eau n'ont pas embelli la maison. Voilà que notre agent immobilier, en charge de la vente, nous appelle. Il vient de faire visiter la maison (une visite en deux mois)  au vétérinaire du coin qui apprécie son emplacement, bien en vue. Seulement le vétérinaire a trouvé le prix bien élevé pour construire sa clinique à la place! Crotte de puce! Je rappelle à l'agent  que nous ne vendons pas une baraque à casser, mais une maison  entièrement rénovée il y a à peine trois ans, qui a un certain cachet et qu'il n'est pas question de la vendre à quelqu'un  qui va la raser pour faire une clinique en béton à la place!  

"Oui, oui" me dit l'agent. Et il enchaîne : "Je pense que tant que vous n'avez pas fait nettoyer les dégâts des eaux, il est préférable de ne pas faire visiter votre maison. Ça vous fera perdre des clients, vous comprenez." Alors là, je n'ai pas compris du tout. J'aimerais qu'on m'explique comme cet agent compte me faire gagner des clients s'il ne fait pas de visites du tout? Il m'explique: "Quand la maison est impeccable, cela donne une bonne impression. Mais quand on voit les saletés, le client se méfie". Alors je commence à comprendre: "Quand la maison est impeccable, lui, l'agent, n'a rien à faire. Il amène le client. Et il empoche le chèque des commissions. Pas besoin de réfléchir pour trouver des arguments, défendre les intérêts du vendeur qui lui a confié la vente, expliquer, rassurer l'acheteur, inciter  et animer les négociations, conseiller les deux cotés. Bref, la vie en rose!".  

Secteur en crise, dites vous? Je crois que certains ne l'ont même pas remarqué!