mardi 8 mars 2011

De la pédagogie comptable ou de la comptabilité pédagogique?


Quel gâchis d'aller interroger un expert des sciences de l'éducation pour entendre un discours d'un fonctionnaire du Ministère de l'éducation chargé de comptabilité. Avec en prime des raccourcis de raisonnement primaires de la langue de bois en vigueur dans le discours pseudo-politique du moment. Désolant! C'est bien le mot qui m'est venu à l'esprit à la lecture de l'entretien publié dans Libération du lundi dernier avec Denis Meuret. Il y défend la suppression des redoublements à l'école. Ma critique ici ne porte pas sur le fait d'être pour ou contre mais sur la façon d'argumenter que j'estime indigne d'un spécialiste en pédagogie et sur une question aussi difficile et complexe que le redoublement.

La discussion commence par le rappel d'une initiative récente de l'inspecteur académique du Calvados. Ce dernier a introduit un système de bonus/malus sous forme d'heures de cours en pénalisant les collèges qui font beaucoup redoubler et en récompensant ceux qui réduisent leurs taux de redoublement. Dans l'entretien Denis Meuret défend cette initiative en expliquant que cela fait économiser beaucoup de sous au Ministère.

Pour répondre à la question sur les inconvénients des redoublements Denis Meuret commence par insister sur le fait qu'ils font aggraver des choses. Pour appuyer son affirmation il cite (sans précision ni chiffres) des études menées sur des élèves de CP. Il nous explique que les élèves ayant redoubler leur CP ont à la fin du CE1 les mêmes performances scolaires que leurs petits camarades n'ayant pas redoublé. En quoi alors les choses sont aggravées? Là, il y a un gros raccourci: on part d'un cas de gestion des redoublements au collège et on argumente avec une étude dans une classe de CP! Et cela ne colle pas sur les deux plans:


Un autre argument vient des fameuses comparaisons internationales. Denis Meuret nous dit: " Comme l'a montré la chercheuse Nathalie Mons, les systèmes éducatifs où l'on redouble le moins sont ceux qui ont les meilleurs résultats dans les études PISA de l'OCDE. " Heureusement que les statistiques PISA sont là! Elles permettent de démontrer tout et son contraire! Cela ne signifie pas qu'ils sont bons PARCE QUE l'on y redouble peu. Peut être qu'on y redouble peu parce qu'ils sont bons, non?

Le dernier argument à deux sous est celui des salaires! Si on redouble, on commence à travailler un an plus tard et donc on perd un an de salaire! Et que dire alors de ceux qui font des études supérieures après le bac? Ils perdent 5 ans de salaire, certains s'endettent même pour payer les études et pour gagner parfois moins qu'un bac+2! Ca va pas la tête?

La cerise sur ce gâteau, déjà bien garni de contre-vérités, est la réaction aux questions du journaliste au sujet de méthodes alternatives de traitement de l'échec scolaire, et en particulier du soutien. J'insiste ici, ce qui suit est une citation:

"On connaît en effet des manières de traiter l'échec scolaire plus efficaces que le redoublement ou les classes pour "élèves en difficulté". Le soutien en fait partie, mais aussi les politiques qui incitent les écoles et les profs à se focaliser sur les plus faibles. C'est ce que font les États-Unis afin d'élever le niveau des élèves les plus défavorisés, les Noirs, les Hispaniques etc. Pour la première fois, dans des lycées américains on a même ouvert des programmes de soutien à la lecture".

La solution qui en ressort est simple: elle consiste tout simplement à fermer les yeux sur les élèves en difficulté, à les faire passer à travers le système scolaire en saupoudrant de cours de soutien et en forçant les profs à se débrouiller avec des gamins faibles au dépend de ceux qui pourraient progresser. Je n'ai pas assez de mots pour dire à quel point ce raisonnement est hypocrite, de mauvaise foi! Voici juste quelques arguments qui me viennent à l'esprit :

  1. La première chose à faire serait à admettre enfin qu'une grande partie des échecs scolaires sont fabriqués par le système scolaire lui même; fermer les yeux la dessus est malhonnête, cela revient à rejeter à la poubelle sociale des ratages produits par les dysfonctionnements de l'école, en disant : c'est de leur faute!
  2. Pour laisser passer les élèves en grande difficulté, on baissera forcément les exigences et le niveau. Encore un peu plus! On ne pourra pas faire autrement, l'égalité des chances (sur papier!) oblige!
  3. En obligeant un prof à se focaliser sur les plus faibles dans une classe de 30-35 on pousse, sans le dire, les autres à recourir aux cours particuliers, si les familles ont de l'argent, ou on les enferme dans l'ennui le plus profond en attendant que la classe puisse enfin passer au thème suivant;
  4. Sous prétexte d'économies dans l'éducation nationale on préfère faire sortir du système des jeunes gens qui savent même pas lire correctement. On fabrique ainsi des chaumeurs potentiels qui coûteront à l'état bien plus cher qu'une année de CP. Mais, évidemment, le RMI ce n'est pas le même ministère, ni le même budget!
Pour ceux qui sont intéressés par de vrais arguments, je conseille plutôt de lire l'avis du Privilégié ou de June Prune ou encore plusieurs autres qui ont répondu à la chaîne lancée par le Privilégié.

Précisions


On entend beaucoup parler ces jours-ci du grand débat à venir à l'UMP sur la place de l'Islam en France. Il y a quelque chose qui n'est pas net dans cette histoire. En fait, il serait bien, avant le débat, qu'ils précisent un peu le sujet. De quel islam exactement veulent ils débattre?
  • de celui fantasmé par les occidentaux, qu'ils soient islamo-phobes ou islamo-philes?
  • ou de celui vécu par de simples croyants musulmans qui y trouvent un réconfort moral et spirituel dont ils ressentent le besoin dans leurs vies?
  • ou peut être de celui utilisé pour le conditionnement psychologique des combattants dans les groupes terroristes?
  • ou de l'islam obscurentiste utilisé par certains dirigeants pour asservir leurs peuples, les maintenir dans la misère tout en tirant le plus grand profit personnel des richesses de leurs terres?
  • ou......?

lundi 7 mars 2011

Satisfait ou remboursé: une tendance pour l'orientation scolaire



Un jour futur, disons en 2030. Julien, costard-cravate, l'aire d'un jeune commercial branché, entre dans la classe. Son métier: conseiller d'orientation de parcours scolaire et de carrière professionnelle. Sa mission: faire du porte à porte des collèges et lycées pour présenter aux jeunes le tout nouveau catalogue "Solutions pour bien choisir sa vie future" du Ministère.

- Mesdemoiselles, Messieurs, bonjour. Je suis votre conseiller d'orientation délégué par le Ministère de la scolarité, de la vie et de carrière professionnelle. Je suis ici aujourd'hui pour vous parler des choix que vous allez devoir faire bientôt. Quelle orientation choisir pour vos études? Quels parcours professionnels s'ouvrent à vous après vos études? Difficile question n'est-ce pas? Mais ne vous inquiétez pas. Vous savez tous que depuis les réformes de 2020 notre Ministère s'occupe de tout. Nous sommes là vous présenter les meilleurs solutions et vous aider à choisir en connaissance de cause la vie que vous voulez avoir dans les années à venir.

Nous pouvons aujourd'hui dire avec fierté que nous avons enfin résolu l'un des plus grands problèmes de société du début du 21ème siècle: l'orientation des jeunes. La génération de vos parents se souvient encore de l'ancien système où il fallait choisir ses études sans savoir en quoi exactement elles consistaient, quelles matières on allait étudier, quels professeurs on allait avoir. On s'orientait à cette époque vers des métiers sans savoir VRAIMENT comment au quotidien on allait travailler. Les jeunes eux mêmes et les familles se plaignaient régulièrement des difficultés de choisir une orientation sans savoir exactement à quoi s'attendre. Le risque et l'incertitude liés à ce choix sont devenus insupportables.

Il en a eu des débats pour savoir comment mieux orienter les jeunes. Certains pensaient qu'il fallait spécialiser plus tôt, d'autres proposaient de laisser le choix le plus tard possible. Jusqu'au jour où on a créé notre Ministère en partant d'une idée toute simple. Les progrès que les sociétés occidentales ont réalisés pendant le 20ème siècle ont permis de donner aux citoyen-consommateurs des droits et des garanties les protégeant de toute forme de risque. Nous avons réussi à bannir l'incertitude du domaine de la consommation quotidienne. Quand vous achetez aujourd'hui une télé, un ordinateur, une bouteille de lait, vous avez à votre disposition toute l'information nécessaire à votre choix. Vous avez également la garantie que si le produit ne correspond pas à la description ou à vos attentes vous avez le droit de réclamer un dédommagement. Nous nous sommes dit alors: pourquoi il doit en être autrement pour le choix des études et de la carrière professionnelle? Aujourd'hui vous n'avez plus besoin de vous poser des questions compliquées. Le Ministère s'occupe de tout et prend tout en charge. Vous n'avez qu'à feuilleter ce catalogue et à choisir.

Pour les paresseux, il y a des formules "Prêt à vivre": tout est organisé, planifié, prévu: les études, le premier poste (avec une option de localisation géographique à choisir parmi trois destinations proposées), le logement, le plan de carrière, la retraite.

Pour les aventuriers et amateurs de sensations fortes on propose des "Pochettes aventure": vous ne choisissez qu'un thème global parmi une dizaine de disponibles (médecine, ingénieur, physique, biologie etc). Votre parcours sera alors parsemé d'étapes nouvelles plus ou moins dangereuses: trouver une école pour les études, trouver un premier emploi etc). Rassurez vous, divers degrés de risque sont proposés.

Pour les indécis, vous avez des parcours "A la carte" avec option "Satisfait ou remboursé" vous permettant de changer d'orientation si elle ne vous convient pas. Vous avez toujours la garantie que même si vous n'arrivez pas à trouver votre voie par vous mêmes, le ministère le fera pour vous, à l'issue des 7 premières années post-bac.

Attention tout de même: le nombre de places pour certains parcours et limité. Le nouveau plan quadriennal des Solutions de vies et de parcours professionnels est sorti il y a tout juste quelques semaines. Vous pouvez le consulter sur le portail de notre Ministère.

Avant de signer votre contrat vous aurez toute l'information nécessaire pour vous décider. Vous pouvez même demander une période d'essai pour la formule qui vous tente. Des séjours organisés sont proposés dans les écoles, les universités, les entreprises partenaires qui vous offrent des postes dans le catalogue. Vous pourrez ainsi observer sans être vus, sans déranger un cours, une réunion d'équipe, une salle d'opération. De nombreux locaux sont spécialement équipés de salles d'observation avec un miroir transparent.

-Une question, là-bas, au fond? Allez-y!
-Qu'est ce que c'est, au juste, le contrat, Monsieur?
- Ah! Le Contrat? C'est votre vie! Choisie en connaissance de cause et sans aucun risque de se tromper!


samedi 5 mars 2011

Jetable

J'ai lu hier dans la Libération (édition papier) une grande rétrospective de l'affaire de vrai-faux espionnage chez Renault. Pour quelqu'un comme moi qui ne peut en juger que par la presse cette affaire donne matière à réflexion sur plusieurs plans. Ce qui m'a particulièrement frappée à la lecture du dossier de Libération c'est la façon dont ont été traités les trois cadres de l'entreprise accusés d'espionnage.

D'après les témoignages rapportés par le journal les trois hommes ont été physiquement mis dehors par des agents de sécurité le matin du 3 janvier sans aucun préavis ni autre forme de discussion. Jetés comme des chiffons sales parce qu'une enquête interne provoquée par une lettre anonyme faisait croire qu'ils étaient mêles à une affaire d'espionnage. Même pas convoqués par les dirigeants ou la fameuse commission de déontologie chargée de l'enquête. Non, jetés tels quels, devant les yeux de leurs collègues. Une humiliation qui ne peut être justifiée en aucun cas, même par les soupçons graves qui pesaient sur ces hommes.