samedi 22 janvier 2011

Iconoclaste


Le droit de manifester est considéré, à juste titre, comme l'une de valeurs fondamentales d'une démocratie. En France, il a y même comme une fascination devant ce qu'on appelle "le pouvoir de la rue". Pour certains, La Rue porte comme une auréole de pureté et de justice; ce que dit La Rue est forcément vrai et juste puisque c'est le peuple même qui exprime là son désir. D'autres ébouriffent toutes leurs plumes devant en proclamant haut et fort: "Ce n'est pas la rue qui gouverne!" mais on a du mal à les croire...

Du point de vue individuel, le droit de manifester n'est qu'une conséquence directe de la liberté de penser et d'exprimer ses idées. Mais c'est là que se cache un paradoxe difficile à résoudre.

Qu'en est il justement des idées individuelles, qu'elles soient grandes ou modestes, une fois rassemblées dans le flot d'une manifestation massive? Elles se transforment en slogans: des phrases rythmées, faciles à scander par une foule et surtout dépourvues de toutes nuances de pensée pour donner au plus grand nombre le sentiment d'adhésion. Prenons l'exemple des dernières manifestations pour les retraites. "Non à la réforme!", "Pour une réforme juste". Voilà des slogans avec lesquels tout le monde sera d'accord mais qui, au fond, ne veulent rien dire!

Que devient un grand nombre d'individus pensants, une fois rangés dans les rangs pour défiler?
Une foule, une foule qui ne pense pas, qui hurle des slogans vides de sens. Ce mouvement, est-il capable de porter une idée constructive? Trop complexe, pour devenir un slogan. D'ailleurs, personne ne semble s'intéresser à ce pensent vraiment les gens qui défilent. Ce qui compte, c'est combien de monde ont réussi à mobiliser les syndicats. Toutes ces querelles autour des méthodes de comptage sont écoeurantes, quand on pense que les manifestants étaient sensés être là pour exprimer leurs idées. En fait, ils sont là pour qu'on les compte. Les médias,d'ailleurs, ne parlent pas des propositions exprimées par les manifestants, mais de bras de fer entre le gouvernement et les syndicats.

Ces mêmes médias qui se précipitent pour se réjouir quand dans un pays lointain des manifestations populaires provoquent un changement de régime. Il y a quelques années, en Ukraine, ces manifestations ont été vite qualifiées de Révolution Orange. Ca sonnait bien, ça avait comme un léger parfum de bastille. Ah, le bon vieux temps de révolution! Une révolution c'est forcément bien pour le peuple! Et dire que toutes ces manifestations n'ont servi qu'à remplacer une mafia par une autre au pouvoir...

Les grandes manifestations portent toujours en elles l'embryon d'une menace dont on ne se méfie plus assez, dans les démocraties occidentales bienpensentes:

"...le communisme, le fascisme, toutes les occupations et toutes les invasions dissimulent un mal qui plus fodamental et plus universel; l'image de ce mal, c'était le cortège de gens qui défilent en levant le bras et en criant les mêmes syllabes à l'unisson. "

M. Kundera, "L'insoutenable légèreté de l'être"






jeudi 20 janvier 2011

Question de mentalité


Dans le métro de Paris un portique d'entrée reste fermé jusqu'à ce qu'on introduise son ticket pour l'ouvrir et passer.

Dans les villes d'ex-Union Soviétique, qui ont hérité du métro d'époque, les portiques d'accès sont ouverts jusqu'à ce qu'on essaie de les franchir. Si vous n'avez pas mis au préalable votre jeton dans la fente du portique, il se referme violemment sur votre passage et éventuellement sur vous mêmes si vous ne réagissez pas assez vite. Ca fait mal.

Quand on sait ce qui va arriver si on franchit le portique sans payer, on a devant ses yeux un portique ouvert mais l'esprit voit bel est bien le portique fermé. Dans l'Union Soviétique nous étions tous en apparence des citoyens libres dans un pays libre et ouvert. Toutes les portes étaient ouvertes, devant nos yeux. Mais combien étaient fermées dans nos esprits?

Avec la mort du régime communiste on a ouvert les frontières. Vu de l'Europe, on a ouvert la seule porte véritablement fermée, comme le portique du métro de Paris. C'est la libération! Mais combien de temps il faudra encore pour ouvrir toutes les portes fermées dans les esprits par 70 ans de propagande?


mercredi 19 janvier 2011

Anti-pub

Cette affiche, difficile à éviter dans le métro parisien, représente pour moi exactement ce pour quoi je déteste les soldes. J'ai beau dire que c'est de l'humour, qu'il ne faut pas la prendre au premier degré, rien à faire! Dès que je vois cette image elle provoque en moi des visions cauchemardesques d'une foule de gens hystériques en train de s'arracher des fringues et des objets dont ils n'ont pas besoin.
Cette affiche, sensée me remplir d'un enthousiasme débordant à l'idée d'aller faire les soldes, tue en moi toute envie, somme toute banale, d'essayer d'en profiter.

mardi 18 janvier 2011

Infini bis


"... qui cherche l'infini, n'a qu'à fermer les yeux!"

M. Kundera, "l'insoutenable légèreté de l'être"



samedi 15 janvier 2011

Le temps



Jack Bauer a 24 heures pour sauver les USA ( et donc le monde) des menaces terroristes de plus en plus féroces; un autre héros a 72 heures pour sauver celle qu'il aime; un autre encore n'en a que 3 pour sauver sa femme. Et il en a un même qui n'a que 90 minutes pour sortir d'un cercueil enterré.

C'est à croire que le temps est devenu une véritable obsession de l'homme moderne. Nous mesurons même les distance en temps: "j'habite à 1 heure de voiture de mon copain, à 20 minutes de métro de mon travail, à 10 minutes à pieds du parc, etc...". Nous demandons à nos héros d'accomplir leurs exploits le plus vite possible. Même un miracle, un vrai, en pleine rue passerait inaperçu s'il ne représentait pas avant tout un défi de vitesse.

C'est vrai qu'à l'époque où l'humanité commence à se faire à l'idée qu'avec quelques pets de CO2 de plus ou de moins on peut modifier l'évolution globale de climat sur la planète, il est frustrant de constater que nous sommes toujours aussi nus et impuissants devant le temps qui avance. Même armé jusqu'aux dents de gadgets technologiques, l'homme moderne reste démuni, perplexe, ignorant devant le grand mystère du temps.

Tous nos efforts désespérés de filmer, d'archiver, de photographier, ne nous permettent pas de faire revenir le passé. Les équations les plus savantes du monde ne peuvent pas nous projeter véritablement dans l'avenir. Nous en sommes toujours au même point: dans le présent, entre notre passé à jamais perdu et notre avenir, inaccessible. Ce n'est pas en allant plus vite, toujours plus vite, comme si on vous en échapper que l'on pourra se réconcilier avec le temps. Nul n'a besoin de technologies sophistiquées pour cela. La pensée seule peut suffire. Mais la pensée, justement, a besoin de temps...

Voici une pensée qui mérite méditation sur la question, trouvée dans "l'Ignorance" de M. Kundera:
"
Sur l'avenir, tout le monde se trompe. L'homme ne peut être sûr que du moment présent. Mais est-ce bien vrai ? Peut-il vraiment le connaître, le présent ? Est-il capable de le juger ? Bien sûr que non. Car comment celui qui ne connaît pas l'avenir pourrait-il comprendre le sens du présent ? Si nous ne savons pas vers quel avenir le présent nous mène, comment pourrions-nous dire que ce présent est bon ou mauvais, qu'il mérite notre adhésion, notre méfiance ou notre haine ?
"