mercredi 31 mars 2010

Qu'est ce qu'un bon prof?

Cela fait un bon moment que June Prune a lancé une chaîne pour définir ce qu'est un bon prof. J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt toutes les réponses qu'elle a recueillies et publiés sur son blog.

Cela fait longtemps que je me pose aussi cette question et, même sans être directement taggée, j'ai bien envie de résumer ici ce que j'en pense, en suivant les questions de la chaîne.

A. Un "bon prof" en 5 mots

  1. Patient. Parce que celui qui enseigne est comme celui qui sème la graine et l'aide à prendre racine et à grandir. Cela ne se fait pas dans la précipitation, ni sous la pression du résultat. On ne doit pas travailler "à court terme" mais dans la durée. On doit prendre soin de préparer le terrain. C'est un travail ingrat et sans résultats apparents (dans l'immédiat) mais s'il n'est pas bien fait, la graine ne prendra pas. On doit la planter au bon moment, et attendre que les premières feuilles se montrent, très fragiles. On doit nourrir la plante et éliminer les intrus, longtemps, le temps qu'il faudra pour qu'elle s'enracine et soit capable de survivre par elle même. Et le plus difficile c'est que dans une classe on a autant de terrains différents qu'il y a de têtes devant nous, que les réformes scolaires passent chaque année comme des ouragans, détruisant tout sur leur passage. C'est là, surtout qu'il faut beaucoup, beaucoup de patience.
  2. Inventif. C'est vrai qu'un prof de maths n'invente pas les maths qu'il enseigne, mais il invente la façon de les enseigner. Et c'est très important à mon avis de pouvoir réinventer. Parce qu'on ne peut jamais tout prévoir. Il y aura toujours quelques questions qui reviendront d'une classe à l'autre. On s'y prépare. Mais il y a aura toujours une question qui n'a jamais été posée, une tête qui ne pense pas comme les autres, une imagination qui travaille autrement. Pour ceux là, on doit inventer encore et encore.
  3. Passionné. Pour donner envie de savoir il ne faut surtout pas cacher sa passion pour son domaine. Il faut aussi aimer transmettre aux autres ce qu'on a appris soi même.
  4. Exigent. Avec soi même et avec les autres.
  5. Drôle. Le rire est une chose formidable et une aide indispensable dans la classe. Pouvoir faire rire peut aider à détendre, à trouver un contact difficile à établir, à briser un mur de rejet. Cela fait du bien à l'élève et au prof. je pense que je ne pourrai pas faire ce boulot si je ne pouvais pas rire avec les élèves.

B. Ce que les profs devraient apprendre. La matière enseignée, bien sûr mais aussi et surtout le métier de l'enseignant, pas de celui qui sait, mais de celui qui sait enseigner. Et ce n'est pas du tout la même chose! Parmi les choses indispensables, je nommerais:
  • psychologie
  • didactique
  • gestion de conflits
  • techniques d'évaluation
  • multimédia (ce que cela peut apporter dans une leçon)
Une chose me semble primordiale. C'est d'apprendre tout une panoplie d'approches pédagogiques et pas une seule, la dominante "officielle" du moment. Car ce qui fait du prof un vrai professionnel c'est surtout sa capacité de manier tous les outils pédagogiques nécessaires pour aider à apprendre. C'est donc sa capacité d'adapter la méthode à l'élève, autant que c'est possible.

C. Pour faire un prof... ce qui s'apprend, ce qui ne s'apprend pas

Tout d'abord, je pense qu'on n'apprend pas tout en cours. Comme dans tout métier, il y a toujours une période d'apprentissage par l'exercice réel. Je ne crois pas qu'on puisse sortir "prêt à tout" de la formation. C'est comme dans la cuisine: il y a la recette, indispensable, mais il y a aussi "le tour de main", sans lequel on n'y arrive pas. Et le tour de main on ne l'apprend qu'en le faisant!

Enfin, ce qui s'apprend, en cours ou par la pratique, ce sont
  • les techniques de base de pédagogie
  • la prise de contact avec la classe
  • la gestion de situations conflictuelles
  • les façons de "tenir tête" à la classe
Ce qui ne s'apprend pas c'est le charisme, c'est la part de soi que l'on donne à ses élèves.

mardi 16 mars 2010

Le Doute


Il y a des moments comme ça, où on en vient à douter de son travail, de l'utilité et du sens même de ce qu'on produit. Ca y est, je crois que j'y suis! Eh bien, s'il faut y passer, comme tout le monde, soit!
Cela fait 10 ans que j'enseigne! Eh oui, ça ne me rajeunit pas. Il est temps de faire face aux questions auxquelles on ne peut pas échapper. On ne doit pas. Il est important de pouvoir se remettre en question quand une partie de carrière est derrière le dos. Pourquoi je fais encore ce métier? Est ce que j'y crois encore? Suis je sincère dans ce que je fais? Et surtout, est ce que je le fais bien?
Dans mon travail, mes pires ennemis sont le relâchement, la lassitude, le laisser aller, le sentiment d'impuissance. Ils sont comme des virus, invisibles mais toujours présents, prêts à nous envahir au moindre signe de faiblesse. Et il est parfois si difficile d'y résister! Quand on sent derrière son dos une classe qui s'ennuie, quand on a l'impression de perdre son temps devant l'énormité d'ignorance et de désintérêt, quand on n'arrive plus à faire rire, quand on se sent révolté mais impuissant devant les calculs d'épicier sur les notes qui priment devant l'envie de savoir, quand on a l'impression qu'il n'y a plus d'envie de savoir, comment résister à l'envie de laisser tomber qui monte? A ces moments on se sent très seul devant le doute qui ronge.
Quand j'y pense avec le recul, j'ai l'impression que j'ai toujours la même passion de transmettre, de faire découvrir, de partager. Mais la passion n'est pas toujours une bonne alliée de l'efficacité, elle peut même empêcher de voir les choses rationnellement et réagir correctement lorsque les enseignements ne passent pas. Aujourd'hui, j'ai passé une séance difficile dont je suis sortie avec le sentiment amer d'échec. J'ai pris le pari difficile de faire travailler des élèves en fin de cycle préparatoire sur des problèmes concrets qui ne sont pas des exercices typés qu'ils ont l'habitude de résoudre. Je voulais les faire sortir du moule bien formaté dans lequel ils se sont installés et dans lequel ils ne font que reproduire mécaniquement les théorèmes, les démonstrations et les exercices type ; je voulais et les amener à utiliser ce qu'ils apprennent en mathématiques. Et c'est là que ça coince! C'est plus difficile que je ne pensais. Je vais certainement devoir rectifier le tir, mais dois je céder pour autant devant leur refus, leur incompréhension?

Tout cela me ramène encore et toujours à la question qui me tracasse depuis un moment. Est ce que le système d'enseignement dominant qui consiste à dispenser un certain nombre de cours et de faire faire aux élèves une sélection d'exercices, puis à contrôler leurs acquis par un examen est le plus pertinent pour former de futurs ingénieurs? On ne peut pas ne pas reconnaître les vertus de cette approche: elle est systématique, rationnelle, en quelque sorte "universelle" etc. Mais, comme tout système bien rôdé, elle présente un grand danger: devenir une fin en soi. On fait des cours pour entendre les élèves les réciter, pas pour les faire réfléchir sur les nouvelles notions. On fait des exercices pour s'entrainer à faire les exercices de l'examen, pas pour mieux comprendre. On suit un cours pour passer l'examen de ce cours, pas pour apprendre. On passe l'examen pour obtenir la note, pas pour mesurer sa progression et en tirer les conséquences.

Cela fait perdre tout sons sens à l'enseignement. Et pourtant j'ai une forte impression que c'est ce qui nous arrive! Ou bien, suis je trop pessimiste aujourd'hui?



Mélancolie

Cela fait déjà un moment que je ne suis pas revenue sur ces pages. Plusieurs semaines de travail sous pression sont derrière moi et très peu de moments de calme relatif pour se poser et mettre en forme les idées, toujours nombreuses, qui passent par la tête. Me voilà donc enfin devant la page blanche sur l'écran, dans le train.

Souvent, quand je m'installe dans le TGV de retour, quand je regarde par la fenêtre, une certaine mélancolie m'envahit. Je vois ces paysages passer à la vitesse de train devant mes yeux plusieurs fois par semaine. Le matin je vois le soleil de lever sur les pleines endormies sous la couverture de brume, le soir je le vois se coucher. Je passe, vite, toujours très vite. Le matin je quitte une petite ville de province, charmante et agréable à vivre, je traverse le tiers de la France en une heure et demie, je me jette dans le métro. Cela donne l'impression parfois de changer de planète plusieurs fois par semaine. Le fait de parcourir de telles distances régulièrement n'est pas toujours une chose agréable. Parfois j'ai le sentiment de perdre une partie de moi même, de mon intégrité dans tous ces mouvements, dans cette vitesse. Dans le train on n'est nulle part, comme suspendu dans le temps et dans l'espace. Quand on passe le temps de voyage à travailler on ne voit même pas les paysages passer. Et en débarquer soudain à Paris fait alors une drôle d'impression. Et on se demande alors pourquoi, mais pourquoi je fais ça?!

Ça, c'est une bonne question! Je n'ai peut être pas le courage d'y répondre ce soir. En tout cas, je reprends mes modestes pensées.