lundi 18 mai 2009

Pédagogie dans l'enseignement supérieur

Comment devient on enseignant dans le supérieur? Le plus souvent, après des études de doctorat dans la discipline de son choix. 

Que devient on après un doctorat? Le plus souvent, enseignant  du supérieur (université ou grandes écoles). 

Alors il serait logique, pendant les études de doctorat, d'apprendre au moins quelques rudiments du savoir faire d'enseignant, de la science pédagogique. 

Et bien, non! Ni pendant ni après!  Le jeune enseignant-chercheur fraîchement recruté à un poste tant convoité sera jeté la tête la première dans  la cage aux lions avec pour objectif de leur transmettre le très grand savoir dont il désormais certifié détenir tous les secrets. Et débrouille-toi si tu veux en sortir vivant. C'est vrai que la plupart des thésards font quelques heures d'enseignements pendant leurs thèses (monitorat, ATER etc). C'est tout? Mais qui leur apprend COMMENT faire? Personne. 

J'ai vécu ça moi même. Pour ma part, je ne regrette pas une seule seconde le grand plongeon. Je me souviens encore, comme si c'était hier, de mes tout premiers instants devant une classe de 40 élèves ingénieurs. Je VOULAIS enseigner. Mais j'étais loin de m'imaginer ce que c'est au quotidien. Et je pense qu'une formation en didactique  et science pédagogique m'aurais au moins permis d'éviter un certain nombre d'erreurs bêtes. 

Visiblement, dans le monde d'enseignement  supérieur, on estime qu'il suffit  d'être expert de haut niveau dans  une discipline (décrocher  son doctorat, par exemple) pour être qualifié pour transmettre  son savoir. A ce principe  je voie  deux objections de taille. 

La première est que lorsqu'on fait un doctorat, on devient, certes, expert mais sur un sujet très très pointu, loin des sujets que l'on enseigne habituellement aux élèves tout juste sortis de leur bac ou de leur prépas. Par exemple, le sujet de ma thèse portait sur la théorie spectrale des opérateurs discrets  de Schrödinger à potentiels périodiques et quasi-périodiques. J'en savais un paquet sur le sujet après 4 ans de recherches exclusivement dédiée à cela. Une fois la thèse passée, j'ai commencé en tant que prof  en école d'ingénieur  avec: 
  • mathématiques pour ingénieur
  • commande optimale
  • analyse numérique
  • théorie du signal
  • automatique
  • probabilités
  • etc
Bref, rien à voir avec ma thèse. Oui, j'ai atteint un niveau de maîtrise en mathématiques qui me permettait  de résoudre sans moindre mal tous les exercices que je devais faire faire aux étudiants. Et alors? Strictement parlant, cela signifie que j'étais qualifiée à leur montrer comment moi, je faisais. Peut on estimer que cela est suffisant pour apprendre quelque chose à quelqu'un? Mon cas n'est pas unique. Un jeune maître de conférences n'enseigne pratiquement jamais ce qu'il a fait dans sa thèse. Et il n'a aucune idée de COMMENT faire pour que l'autre, l'étudiant, comprenne ce que lui même a réussi à comprendre un jour. Et débrouille toi si tu veux en sortir vivant! 

La seconde objection découle de la première. Si le diplôme de doctorat certifie un certain niveau de maîtrise d'une discipline, au sens large, et une expertise  sur un sujet particulier de cette discipline, rien n'est  prévu dans le système pour former le jeune chercheur au métier d'enseignement.  Il suffit donc d'avoir compris soi même quelque chose pour l'enseigner aux autres? Faux! Lorsque notre jeune chercheur a été lui même étudiant, s'il a réussi dans une matière, s'il a compris quelque chose, il ne s'est jamais posé la question "comment?". Comment le prof a fait pour qu'il comprenne? Comment lui même a fait pour comprendre?

 L'enseignement est une science et un savoir faire. Il y a des méthodes, des techniques, des approches. Enseigner c'est aussi savoir établir un contact avec un groupe d'individus ayant chacun leur volonté, leur motivation, leur façon d'être. Enseigner c'est forcément établir un contact humain avec ceux qui vous écoutent. Et personne n'apprend rien de tout cela  aux jeunes chercheurs! Comme si enseigner consistait à réciter devant des chaises vides ce qu'on a soi même retenu de ses propres études! 

Pas étonnant que l'enseignement est souvent vu comme un fardeau par les enseignants chercheurs.  Le fait que les enseignants ne sont pas formés est pour moi en partie responsable du taux d'échecs élevé en première année de fac
Le système ne semble pas vouloir reconnaître que le statut d'enseignant-chercheur n'a de sens que si c'est un véritable statut à double compétence: celle de chercheur et celle d'enseignant.  Pour nous donner un exemple,  voici comment les universités canadiennes  voient la question. En aidant leurs enseignants à faire leur métier. Pourquoi pas nous? 


2 commentaires:

  1. C'est vrai... moi je suis en 3ème année de doctorat, et il est probable que je devienne ATER l'année prochaine, mais je ne me sens pas prêt... j'ai un peu peur d'affronter cette fonction qui demande une certaine responsabilité !

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  2. Mohamed
    Bonsoir,
    Ici au Maroc pour être un enseignant au supérieur il ne te faudra pas de compétences mais des relations familiale ou politique. Moins de professeur sont compétant...

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