vendredi 27 février 2009

Formation d'ingénieur : choses vues

Quand j'ai commencé à travailler  en classe préparatoire intégrée, avec des élèves tout juste sortis du bac, j'ai fait une observation curieuse. Parfois je leur demandais : "connaissez vous une telle notion? ". Et très souvent j'avais comme réponse : "Oui, on a vu ça en terminale( ou en première)". Et en effet, un souvenir vague de la chose leur revenait, avec des flashes parfois sur quelques méthodes de calcul. 

Pourquoi ne répondent ils pas "on a appris ça..."? Pourquoi, élèves et profs, nous utilisons le plus souvent le mot "voir" quand il s'agit des notions étudiées?  Dans une école d'ingénieur, c'est le même phénomène! Combien de fois je rappelais aux élèves : "Mais si, mais si, vous avez vu ça l'année dernière, en cours d'algèbre". 

Ce n'est qu'une question de mots, mais là, il est révélateur d'un certain rapport aux études: se contenter de voir des choses, passer devant, faire des photos. Si je voulais caricaturer,  je dirais que le parcours d'un élève ingénieur de base ressemble parfois à un long voyage organisé dans un grand musée de sciences et techniques, où l'on voit beaucoup de salles différentes sans jamais y rester longtemps. On vous dit que toutes ces notions, tous ces outils vous seront utiles plus tard dans votre vie professionnelle. Mais à quoi peuvent bien servir des photos d'outils qu'on ramène de ce voyage?

Bien sûr, on fait des exercices qui, dans l'idéal devraient faciliter la compréhension approfondie des notions, l'appropriation des méthodes. Mais dans la pratique, combien d'exercices sont faits vraiment par un élève et combien sont vus

Il y a aussi des examens. Et si on n'a pas réussi, on ne passe pas à l'étage supérieur du musée.   Mais dans la pratique, souvent, les examens permettent tout au mieux de vérifier que les exercices et les objets ont bien été vus.  

Enfin, il y a des projets qui permettent de revenir dans les salles du musée déjà visitées, tout seuls, sans le guide, pour essayer de comprendre, d'en apprendre plus. Et ceux qui le font pour de vrai en gardent certainement plus que des photos. Faut il encore avoir de la volonté de le faire et disposer de temps suffisant pour aller au fond des choses. 

Mais alors, quel scandale! A qui la faute? Aux profs qui ne motivent passez leurs élèves, qui leur imposent trop de cours? Aux élèves qui ne font pas l'effort de s'intéresser  aux cours et qui ne veulent pas travailler pour apprendre?

A mon avis, la faute aux deux et bien plus encore. Il y a aussi la société qui de plus en plus  préfère le surf  conceptuel à la plongée dans l'expertise. Mais ça, c'est une autre histoire....

2 commentaires:

  1. Est-ce que le système ne peut pas fonctionner correctement comme cela ? Je veux dire est-ce qu'en ayant la bonne dose de choses vues et la bonne dose de choses apprises on peut avoir un avoir un ingénieur avec un fort savoir lui permettant de creuser et retrouver par lui-même les sujets "vus".

    La réflexion est intéressante au sens où une telle prise de conscience permettrait peut de créer une formation articuler entre vrais cours pour le "savoir" et vrais conférences (la partie musée) pour la partie "voir".

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  2. Oui, je suis d'accord avec ta remarque. Les choses vues devraient permettre de poser des repères dans une variété de plus en plus large de technologies. C'est le parcours professionnel réel de chacun qui permettra d'approfondir certains aspects, de se spécialiser plus ou moins, de retrouver un degré d'expertise plus élevé dans un domaine particulier.

    Quand on conçoit une formation, il n'est pas facile de faire le tri entre ce qui doit être appris de façon approfondie et ce qui peut être vu. A mon avis, les principes fondateurs des programmes aujourd'hui ont du mal à s'adapter aux évolutions du monde professionnel. Le changement le plus important est que maintenant un ingénieur ne fait plus le même travail pendant toute sa carrière, comme il y a encore une dizaine d'années. Les technologies changent très vite, les cadres changent de poste, voire d'entreprise tous les 3-5 ans.

    Dans ce monde là une qualité essentielle qu'un ingénieur doit avoir est la capacité d'apprendre en continu. Pour commencer il a donc besoin de vraies connaissances fondamentales pour s'appuyer dessus dans les nouvelles explorations et de premiers repères (choses vues) permettant de s'accrocher pour aller plus loin.

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