mardi 16 mars 2010

Le Doute


Il y a des moments comme ça, où on en vient à douter de son travail, de l'utilité et du sens même de ce qu'on produit. Ca y est, je crois que j'y suis! Eh bien, s'il faut y passer, comme tout le monde, soit!
Cela fait 10 ans que j'enseigne! Eh oui, ça ne me rajeunit pas. Il est temps de faire face aux questions auxquelles on ne peut pas échapper. On ne doit pas. Il est important de pouvoir se remettre en question quand une partie de carrière est derrière le dos. Pourquoi je fais encore ce métier? Est ce que j'y crois encore? Suis je sincère dans ce que je fais? Et surtout, est ce que je le fais bien?
Dans mon travail, mes pires ennemis sont le relâchement, la lassitude, le laisser aller, le sentiment d'impuissance. Ils sont comme des virus, invisibles mais toujours présents, prêts à nous envahir au moindre signe de faiblesse. Et il est parfois si difficile d'y résister! Quand on sent derrière son dos une classe qui s'ennuie, quand on a l'impression de perdre son temps devant l'énormité d'ignorance et de désintérêt, quand on n'arrive plus à faire rire, quand on se sent révolté mais impuissant devant les calculs d'épicier sur les notes qui priment devant l'envie de savoir, quand on a l'impression qu'il n'y a plus d'envie de savoir, comment résister à l'envie de laisser tomber qui monte? A ces moments on se sent très seul devant le doute qui ronge.
Quand j'y pense avec le recul, j'ai l'impression que j'ai toujours la même passion de transmettre, de faire découvrir, de partager. Mais la passion n'est pas toujours une bonne alliée de l'efficacité, elle peut même empêcher de voir les choses rationnellement et réagir correctement lorsque les enseignements ne passent pas. Aujourd'hui, j'ai passé une séance difficile dont je suis sortie avec le sentiment amer d'échec. J'ai pris le pari difficile de faire travailler des élèves en fin de cycle préparatoire sur des problèmes concrets qui ne sont pas des exercices typés qu'ils ont l'habitude de résoudre. Je voulais les faire sortir du moule bien formaté dans lequel ils se sont installés et dans lequel ils ne font que reproduire mécaniquement les théorèmes, les démonstrations et les exercices type ; je voulais et les amener à utiliser ce qu'ils apprennent en mathématiques. Et c'est là que ça coince! C'est plus difficile que je ne pensais. Je vais certainement devoir rectifier le tir, mais dois je céder pour autant devant leur refus, leur incompréhension?

Tout cela me ramène encore et toujours à la question qui me tracasse depuis un moment. Est ce que le système d'enseignement dominant qui consiste à dispenser un certain nombre de cours et de faire faire aux élèves une sélection d'exercices, puis à contrôler leurs acquis par un examen est le plus pertinent pour former de futurs ingénieurs? On ne peut pas ne pas reconnaître les vertus de cette approche: elle est systématique, rationnelle, en quelque sorte "universelle" etc. Mais, comme tout système bien rôdé, elle présente un grand danger: devenir une fin en soi. On fait des cours pour entendre les élèves les réciter, pas pour les faire réfléchir sur les nouvelles notions. On fait des exercices pour s'entrainer à faire les exercices de l'examen, pas pour mieux comprendre. On suit un cours pour passer l'examen de ce cours, pas pour apprendre. On passe l'examen pour obtenir la note, pas pour mesurer sa progression et en tirer les conséquences.

Cela fait perdre tout sons sens à l'enseignement. Et pourtant j'ai une forte impression que c'est ce qui nous arrive! Ou bien, suis je trop pessimiste aujourd'hui?



2 commentaires:

  1. Je me pose exactement les mêmes questions que toi dans ton avant-dernier paragraphe... mais pour des 3e ! (je me les pose aussi pour mes TermS, mais cette année c'est plus flagrant pour moi au collège)
    Je ne crois pas que l'enseignement tel que nous l'exerçons "perde" tout son sens. Je pense qu'il n'a jamais vraiment "eu" de sens. Je n'ai pas beaucoup de recul, mais il ne me semble pas qu'on bachotait moins il y a 20 ans, il ne me semble pas qu'on "utilisait" plus ce qu'on apprend en math...

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  2. C'est un triste constat que celui que tu fais sur le sens de l'enseignement. Mais l'enseignement du collège et du lycée, en tout cas en maths, ne devrait peut être pas encore avoir pour finalité d'être utilisé. Alors que celui de l'ingénieur devrait lui permettre de faire face aux problèmes nouveaux, et donc être utilisé.

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