Les récentes actualités liées au mouvement de protestation des universitaires et étudiants m'ont fait revenir à une réflexion dont j'avais envie de parler ici.
Parmi les réformes contestées, une mesure en particulier a attiré mon attention. Celle qui prévoit la modulation des heures d'enseignement en fonction des évaluations régulières des performances dans les recherches. Pour simplifier, si un chercheur n'est pas bien évalué dans ces recherches, il aura une charge d'enseignement plus importante. Il existe de nombreuses réactions publiées ci et là mais elles sont le plus souvent orientées, je trouve, et donnent une interprétation de la réforme et non les faits précis. C'est peut être le reproche que je ferais au milieu universitaire: rendre le débat trop passionnel. Il devient à force difficile de se faire sa propre idée. Il faut dire qu'il n'est pas très simple de trouver les textes d'origine des réformes. Je pars de ce que j'ai trouvé dans un dossier ici.
Ce qui pose problème aux nombreux chercheurs ce n'est pas tellement le fait de moduler les services d'enseignement et de la recherche, que la procédure prévue pour cela et surtout le pouvoir du président de l'université dans cette décision. Pourquoi cette crainte? Est ce qu'elle reflète la peur de voir les conflits d'intérêt, les pressions politiques et budgétaires influencer la décision d'un président d'université et donc les carrières des chercheurs? D'une certaine façon tous ces facteurs sont déjà présents dans les universités, comme partout. On peut supposer qu'une procédure de prise de décision plus collective concernant l'attribution des charges de service aux enseignants-chercheurs en limiterait les effets, mais je ne pense pas que ça change grand chose.
Il y a aussi la crainte que les allègements de charge d'enseignement accordés aux uns seront forcément compensés par des heures en plus imposées aux autres. D'où la mise en concurrence, qui peut s'avérer malsaine, entre les collègues d'une même université. Ce problème n'aura à mon avis aucune solution, si l'on continue à s'obstiner à raisonner de façon purement comptable, en enlevant quelques heures par ci et en ajoutant par là. En particulier, si l'on continue à maintenir un seul statut possible, celui d'enseigant-chercheur. Les besoins d'enseignement et d'encadrement des universités sont de toutes façons trop élevés pour croire qu'on peut les combler avec la seule modulation des charges.
Pourquoi ne pas admettre que l'université a aussi besoin d'enseignants? Enseignants tout court. Que la mission d'enseignement qui correspond véritablement au statut d'enseignant-chercheur est celle de la transmission des fruits de leurs recherches, de la formation des étudiants qui peut être pourront poursuivre un jour leurs travaux. Mais il n'y a pas que cela dans l'université. Les deux premières années de licence sont les plus cruciales pour le choix d'une orientation future et la réussite de tout le parcours. On y voit des taux de réussite très faibles et les enseignants-chercheurs impliqués dans les programmes de ces deux années de plus en plus débordés. Il s'agit souvent de cours de fondamentaux, qui pour les enseignants chercheurs représentent souvent une routine car les sujets abordés sont loin de leurs recherches du moment. Pourquoi ne pas envisager de confier ces cours de base à ceux qui auront un statut spécifique : celui d'enseignant, dont le rôle sera d'encadrer d'avantage, de s'occuper de la conception des supports pédagogiques, d'organisation des enseignements, en plus des cours eux mêmes. Cela déchargerait aussi les enseignants-chercheurs de quelques tâches administratives liées aux enseignements qui représentent un poids considérable et non comptabilisé dans les différentes lois.
On peut opposer à cette idée le principe qui veut que la qualité d'enseignements universitaire dépend absolument de l'activité de recherches menées en parallèle. Je ne suis pas d'accord. D'abord parce que dans l'opinion, l'application de ce dogme est très dissymétrique. On accepte plus facilement, avec un sourire de compréhension, qu'un brillant chercheur soit un mauvais pédagogue. Mais on ne veut pas admettre qu'un bon prof d'université puisse ne pas être un chercheur actif. Et pourquoi? Parce que'on ne veut pas admettre qu'il y a un véritable savoir faire de professeur, qu'un enseignant dans le supérieur doit avoir une connaissance pédagogique en plus de la maîtrise des sujets scientifiques qu'il enseigne. Pourquoi le fait d'avoir fait un doctorat (et donc preuve d'un certain niveau de maîtrise scientifique) et une formation pédagogique ne pourrait pas être un bon bagage pour mener à bien une carrière d'enseignant dans l'université?
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