mardi 28 juillet 2009

Ukraine: choses vues

Mes observations ont été limitées cette fois à un seul quartier de la ville, celui où j'ai grandi et où habite toujours ma mère. A mon époque, c'était un quartier ouvrier: les usines étaient disposées tout autour. Aujourd'hui, les immeubles d'après guerre et les "khrouschevka" (datant des années 60-70) sont en mauvais état, les rues sont mal (ou pas du tout) éclairées, les routes et les trottoirs comptent plus de trous que d'asphalte. Quand il pleut, il est litéralement impossible de traverser la rue sans marcher dans les flots d'eau. Bref, c'est un quartier plutôt pauvre.

La première chose qui m'a frappée: les enfants. Ici, à Kharkov, dans ce quartier, les yeux des enfants sont tristes, gris, graves. Ils ne rient pas. Comme les eaux d'un lac qui reflètent le ciel, les yeux d'un enfant reflètent les regards qui se posent sur lui. Les adultes non plus ne sourient pas. On a l'impression dans la rue que les gens mettent une sorte de masque pour sortir de chez eux. Ils se regardent avec méfiance.

Au beau milieu de ce quartier en ruine se dresse un grand magasin de meubles et électroménager, flambant neuf. On y trouve toutes sortes d'appareils, un peu comme chez darty et aux mêmes prix. J'y suis entrée pour voir. Si on ne montre aucun signe extérieur de richesse, les vendeurs vous regardent d'en haut avec une légère touche de mépris. Si tout même on leur achète quelque chose, on peut espérer apercevoir un léger sourire.

La jeunesse m'a paru précaire, fragile et surtout, courte. Pour les filles, le meilleur moyen de s'en sortir reste le mariage. A la façon dont elles s'habillent, à la démarche, au regard, on voit que tout est fait pour trouver un bon parti pour "se caser" le plus rapidement possible. Seulement, une fois mariée, leur jeunesse, leur beauté flétrit à vue d'oeil et les horizons se referment devant. Celles qui réussissent tout de même à faire carrière, à se réaliser dans la vie professionnelle, ont le plus souvent du mal à avoir une vie familiale stable et équilibrée. Les moeurs n'ont pas beaucoup changé depuis mon départ et il m'a même semblé qu'elles ont même régressé. J'ai dit à mon ami qui m'accompagnait pour un tour dans le quartier, que je n'aurais pas supporté un tel sort réservé aux filles. Il m'a alors répondu: "Toi, c'est sûr. Dans notre bande de copains à la fac, tu as toujours été "un copain" à nous".

Globalement, j'ai eu le sentiment que les gens étaient litéralement écrasés par la crise qui a eu un impacte immédiat dans ce pays sans gouvernement qui commencait tout juste il y a trois ans à retrouver quelque espoir. Ils n'espèrent plus, ils vivent au jour le jour.

C'est difficile à voir et cela ne se voit pas de loin, d'ici, de la France. Et pourtant, ça aide à relativiser ce qui nous arrive ici et à prendre conscience de la chance que nous avons.

samedi 25 juillet 2009

Ma patrie et ma maison

Je reviens d'un court voyage (3 jours) dans ma ville natale, Kharkov, en Ukraine. Cela fait trois ans depuis ma dernière visite. Un vieil ami est venu me chercher à l'aéroport. Nous avons ensuite bu le thé ensemble chez ma mère, parlé des choses et d'autres. Dans la discussion, il a dit une phrase qui résonne encore dans mon esprit:

"Notre patrie est là, où sont nos parents et notre maison est là où sont nos enfants".

Et moi, j'en suis où? Oui, ma maison est incontestablement ici, en France, où grandissent mes enfants. Je me sens chez moi ici. Et ma patrie? Que reste-t-il du pays où j'ai grandi? De la culture qui a nourri mon esprit, qui a formé ce que je suis? J'ai eu des sentiments très confus en observant après une très longue absence ce qui serait d'après la définition de mon ami ma patrie. En refermant la porte du vieil appartement délabré de ma mère, lieu où j'ai passé presque toute mon enfance, toutes mes années universitaires, je retrouvais cet univers qui était le mien; en retrouvant les amis de la famille, ceux qui restent encore la bas, je retrouvais l'esprit et la culture dans lesquels j'ai grandi. Mais dès que je sortais dehors, j'étais sur une autre planète. Tout en me disant qu'il était normal qu'un pays change, surtout après des bouleversements historiques qu'a connu le mien, je n'arrivais pas à accepter ce nouveau monde que je voyais. Quelque chose y manquait. Ce nouveau monde, semblait figé dans un état de champignon qui se nourrit des restes de la diversité déchue mais ne produit rien d'autre que des champignons.

Et ma patrie, où est elle? Dans cet appartement où vit encore ma mère? Et quand elle ne sera plus?

Est ce le destin de tous ceux qui quittent un jour la terre de leurs ancêtres?

L'élégance du hérisson

J'ai découvert le livre de Muriel Barbery comme on découvre une âme soeur, un ami dans un inconnu rencontré au hasard. J'en ai entendu parler à la radio. Le titre et le résumé m'ont intriguée au point de ne plus quitter ma mémoire. A plusieurs reprises je suis allée retrouver le livre dans les rayons des librairies à l'occasion d'un passage. Mais je n'osais pourtant pas me l'acheter comme on hésite à aborder une personne que l'on ne connaît pas malgré un fort sentiment de sympathie qu'on éprouve envers elle, sans savoir pourquoi.

Mais voilà enfin que je me lance un jour... et c'est l'illumination! Une écriture si fraîche, si joyeuse, si belle! Une fois le livre refermé, avec une petite larme dans le coin de l'oeil, j'ai eu envie de le rouvrir pour me replonger dans la délicieuse beauté de cette langue! Je l'ai emporté avec moi dans le voyage et je l'ai relu ainsi, en ouvrant au hasard et relisant des petits passages.

Un vrai délice!