mardi 5 octobre 2010

Extranée



Il y a une quinzaine de jours j'ai rencontré une personne sur mon nouveau lieu de travail à Paris qui, après le bonjour, m'a aussitôt demandé si je parlais bien français. Et ce avant même de me laisser le temps de dire quelques mots. Sur le coup, je n'ai pas réagi, bien qu'étonnée par cette question. Je me suis contentée de répondre simplement : "Ça va, je me débrouille".

Mais cette rencontre m'a laissé une drôle d'impression. J'ai réalisé soudain que cela faisait très très longtemps que l'on ne m'a demandé si je parlais français, même les personnes connaissant mes origines russophones. Ce n'est pas la question en elle même qui m'a troublée le plus. C'est le fait que, en réalité, si on veut savoir si une personne est à l'aise en français il suffit de la laisser dire quelques mots, en posant une ou deux questions anodines.

Cette question, si banale soit elle, même enrobée de ton de bienveillance polie peut suffire à elle toute seule à mettre une distance, une barrière entre vous et celui ou celle qui vous la pose. Elle vous renvoie à votre place de l'AUTRE, de différent.

Quelques jours après cette rencontre je suis tombée sur un mot nouveau en lisant un article dans Libération sur les difficultés administratives et autres des français nés à l'étranger ou dont les parents étaient nés ailleurs. L'auteur de l'article les appelait des "extranés", ces "français d'origine étrangère". Une sorte d'extraterrestres qui, même s'ils ressemblent en apparence aux humains de France, ont tout de même quelque chose de différent, d'inquiétant. Je me suis dit que ça, c'était bien le me mot pour dire ce que je suis.

Je suis une extranée.


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