jeudi 25 octobre 2012

Humanité


 Mes dernières lectures me font reprendre mes notes ici, malgré la routine, le train train quotidien  qui ont tendance à étouffer  toute envie de partager ses idées et réflexions.

Mes dernières lectures  sont les 4 romans de Romain Gary (Emile Ajar), auteur que j'ai découvert cet été:

  1. Charge d'âme
  2. Les cerfs volants
  3. Chien blanc
  4. Gros câlin
Celui qui m'a le plus marquée est probablement "Chien blanc", écrit avec un style très personnel, très cru, comme un journal intime de quelqu'un qui regarde l'Histoire passer devant lui, avec beaucoup de lucidité. Chien Blanc sonne encore dans ma tête comme un lointain écho à "Coeur de chien"  de Boulgakov. Un écho provenant d'un monde ou les rôles sont inversés entre chiens  et "humains de société". Un écho sans concession pour la société "moderne":
"C'est assez terrible, d'aimer les bêtes. Lorsque vous voyez  dans un chien un être humain, vous ne pouvez pas vous empêcher de voir un chien dans l'homme et de l'aimer". 
L'histoire de Chien Blanc   est celle d'un berger allemand que l'auteur trouve un soir devant sa porte et accueille chez lui, à Los Angeles. Un chien intelligent, charmant, amical... sauf en présence de Noirs. L'auteur découvre par hasard qu'il a recueilli  un "Chien Blanc", un de ces chiens spécialement sélectionnés et dressés pour attaquer les Noirs. Il confie la bête un chenil, en refusant de le faire piquer. Un dresseur accepte alors de le rééduquer, même si cela semble impossible.
En attendant, l'Amérique s'enflamme suite à l'assassinat de Martin Luther King. A Paris, la jeunesse monte sur barricades. Le récit que  Romain Gary livre dans ce romain sur la question raciale aux Etats Unis n'a malheureusement pas perdu d'actualité. A certains moments, on peut penser qu'il frôle le cynisme, mais la franchise, sans parti pris, fait beaucoup de bien et pousse à réfléchir plus posément sur ce qui se passe ici, maintenant, autour de nous.
La fin de l'histoire du chien n'est pas optimiste: le dresseur réussit à rééduquer le chien: il ne se jette plus  sur les Noirs. Le dresseur fait plus: il transforme le Chien Blanc en Chien Noir....

Un petit extrait qui fait réfléchir. Après l'assassinat de Martin Luther King les quartiers populaires Noires s'embrasent partout:
" Cette ruée au pillage est une réponse naturelle d'innombrables consommateurs que la société de provocation incite de toutes les manières à acheter sans leur en donner les moyens. J'appelle "société de provocation" toute société d'abondance et en expansion économique qui se livre à l'exhibitionnisme constant de ses richesses et pousse à la consommation et à la possession par la publicité, les vitrines de luxe, les étalages alléchants, tout en lassant en marge une fraction importante de la population qu'elle provoque à l'assouvissement de ses besoins réels ou artificiellement créés, en même temps qu'elle lui refuse les moyens de satisfaire cet appétit. [...] Ces gens-là ne pillent pas: ils obéissent. Ils réagissent au diktat du déferlement publicitaire, de la sommation à acquérir et à consommer, à ce conditionnement incessant auquel ils sont soumis dix-huit heures sur vingt-quatre. "